Des moches – Craties … _ 4

Des moches – Craties … _ 4

Kratos (Cratos) and Euphrosyne (Euthymia) © Meisterdrucke

Grec Kratos ou Cratos : est une divinité représentant la force, le pouvoir, la vigueur. Grec Archos : Maître, chef, dirigeant.

Il faut que l’imagination pense trop pour que la pensée ait assez.

Gaston Bachelard.

Par quoi remplacer la démocratie ?

Un ami, chez moi, entre la poire et le fromage : ” Changer la démocratie… Tu la remplaces par quoi ? « . C’est le moment rêvé où l’on tente des réponses plutôt que d’utiliser un joker.

En référence aux étymologies, on pourrait conclure rapidement qu’il faudrait que la démocratie cède la place à la démo-archie.

Si je suis capable de répondre de façon pertinente à la question, cet ami a des excellents fréquentations. Mais selon la réponse que je donne à cet ami, il y a peut-être des chances que cet ami ne soit plus de mes amis car je serai devenu le « représentant » d’un Demos que j’estime ne plus être représenté, donc non repésentatif.

Et fort de ma raison, j’exercerai mon -cratos d’une manière rationnelle. La technique me le permettant, la gouvernance se fera par les nombres [1] : la raison sera devenue aveugle et ma folie parfaitement rationnelle.

Suite au post du 8 mai 2024

Capitalisme et avatars

Mandeville, l’homme qui fonde le capitalisme et la psychanalyse [2]

Les quatre refoulements de Bernard de Mandeville [3].

  1. les autodafés : les livres de celui qu’on avait surnommé Man Devil ont été brûlés (Dufour, 2019:13).
  2. la scotomisation : l’opprobre moral provoque une mise hors de la pensée. « La pensée de Mandeville serait donc à considérer comme inentendable par le commun des mortels. De deux choses l’une alors : soit il faut la considérer comme nul et non avenue, soit il faut la classer dans la catégorie des œuvres ésotériques. C’est cette voie que j’ai privilégiée : ce petit texte est pensable comme un Man Devil Code ésotérique. » (Dufour,2019:16)
  3. habillage par Adam Smith : le mot « vices » étant inentendable, il prend les idées de Mandeville en parlant de « égoïsme », lequel se satisfera du plaisir que donne une « main invisible ».
  4. la lecture idéologique de Max Weber : celui-ci préfère trouver l’origine du capitalisme dans la « vertu » de la foi protestante que dans le « vice » des initiés souscrivant aux origines mandevillienne de la moral virtue.

La sortie de l’enfer et la consécration dans le Divin Marché

Friedrich Hayek est le grand re-constructeur du libéralisme[4]. Il faut garder à l’esprit que le libéralisme est une des déclinaisons de l’éthique des droits – avec également le minimalisme (cf. Ruwen Ogien), le libertarianisme et le wokisme.

Friedrich Hayek est, en 1947, le fondateur de la Société du Mont Pèlerin. Parmi les 35 autres membres fondateurs, à mentionner Milton Friedmann, économiste, père de l’Ecole de Chicago – et dont certains de ses boys ont fait des travaux pratiques à Santiago-du-Chili.

Hayek est un grand initié à la pensée de Mandeville et il le considère comme un Master mind.

Le libéralisme : La liberté dans un effet réversif

Lippmann et Hayek guidant le peuple (Pardon eugène!)

Une variante « de gauche » au libéralisme :

le libéralisme libertaire.

En 1999, le phare de la « révolution » de 1968, Daniel Cohn-Bendit, déclare : « Je suis un libéral-libertaire ». Il paraît que Serge July, trotskiste dans une vie antérieure, aurait fait une déclaration identique. Qu’est-ce à dire ?

Libéral pour bourgeois, libertaire pour bohème.

La société libérale est répressive envers les producteurs (le prolétariat) et elle est permissive envers les consommateurs (la bourgeoisie). De ce fait la consommation des uns est le travail des autres. […]

En substance, Michel Clouscard suggère qu’à la vue de l’émergence du socialisme, le libéralisme-libertaire est une contre-révolution parfaite. Premièrement, la néo-féodalité qui s’incarne de facto dans le grand capital et la rente foncière, a poursuivi son entreprise de pourrissement via ses courroies de transmission que sont les médias. Deuxièmement, la nouvelle bourgeoisie qui s’incarne dans l’élite intellectuelle, l’élite entrepreneuriale et le star-système, a généré des stratégies de diversion pour garantir ses privilèges. © site internet Michel Clouscard

La démocratie, parc pour libertariens

À la surface du globe, pour la matière vivante en général, l’énergie est toujours en excès, la question est toujours posée en termes de luxe, le choix est limité au mode de dilapidation des richesses. Bataille Georges. La part maudite

Rémunération de Carlos Tavares.

Qu’est-ce qu’un salaire “décent” ? Apolline Guillot publié le 24 avril 2024 Philosophie Magazine.

Que peut dire Monsieur Levrat, ancien président du Parti Socialiste suisse, et Président de La Poste, à Monsieur Tavares, néolibéral épanoui et très respectueux du droit – et Monsieur Dominique Strauss-Kahn de rire à cette proposition.

Ça me rappelle une déclaration de Vasella à L’Hebdo (2006). Nihil novi sub sole [rien de nouveau sous le soleil].

Parenthèse. Sur la facticité de l’argent, voir ou revoir le film Margin Call (2011). Les propos du « grand chef », John Tuld (Jeremy Irons) à Sam Rogers (Kevin Spacey) devant régler le problème de liquidation d’actifs pourris. Et la solitude de Sam Rogers après la mort de son chienBelle morale car le chien n’est ps mort seul!

Nous nous trouvons dans un système social qui ne sait ni répartir, ni gérer, ni employer le temps libéré ; qui s’effraie de son accroissement alors qu’il fait tout pour l’augmenter, et qui ne lui trouve finalement d’autre destination que de chercher par tous les moyens à le monnayer.Gorz, André. Misères du présent, richesse du possible

En n’attendant la suite…

Monsieur Vasella fait référence à une morale où l’honnêteté existerait. Monsieur Tavares évoque l’absence d’un droit qu’il se hâterait de respecter si il existait. Monsieur Levrat, il est vrai qu’il a demandé de l’argent et souscrit à ce fétiche, au moment de sa prise de fonction, aura certainement évoqué un droit (et si cela lui a été accordé ou refusé, c’est également au niveau d’un droit existant).

Si les travers du droit, c’est de permettre des zigzags, les forces de la démocratie doivent faire en sorte de le réécrire, afin d’éviter ce type de gymnastique. Dans les compétitions de ski, à côté du slalom existe également la descente. On pourra toujours objecter que c’est compliqué, avant que ce même On me vante les miracles de l’intelligence artificielle.

Il faut faire en sorte de retrouver l’expression des individus, dans les démocraties viciées, se prétendant représentatives, en dehors des cérémonies de votes. Elles ne sont là que pour valider la reconduction d’un pouvoir, ou sa substitution au nom d’un autre pouvoir.

En effet, dans le rituel du vote, on retrouve les conseils de Mandeville. Payons Le Peuple avec ce qui ne coûte rien, à savoir des flatteries. Les vertueux seront très flattés qu’on leur demande leur avis – ce qui créera l’illusion de leur importance – et soumettons-les à la séduction de la Marchandise.

Pris dans l’illusion de sa liberté, par le conditionnement à consommer, le vertueux sera le meilleur allié pour une conservation du système. Le moindre changement est synonyme de privation de liberté, dans un système d’économie de l’attention, c’est le consommateur prolétarisé [5].

La démesure concerne manifestement la répartition des ressources. Le droit devrait également opérer au plan des niveaux de revenus, des taux d’imposition des ressources rares déterminées par l’ensemble des citoyens (eau, énergie, espace, etc.). Les gains réalisés pourraient être affectés à une gratuité de quotas pour tous. Bel exercice démocratique !

Sur les liens entre niveaux de revenus et bonheur, voir le livre de Cédric Durand et Razmig Keucheyan (2024:66-78), Comment bifurquer. Les principes de la planification écologique. Voir également les considérations d’Aristote concernant la pleonexia.

Il suffit de remplacer « Afrique » par « pauvres », et nous avons la variable d’ajustement qui permet au libertarien de s’enrichir, de masquer  le fait que la pauvreté a cédé devant la misère, en ne parvenant pas au statut – ou en quittant le statut – de prolétaire consommateur.

Et moi, je prétends que « Occis mort » est un pléonasme.

Aymé Shaman, se prenant pour Bernard Cerquiglini

[1] Voir Alain Supiot, 2020, La Gouvernance par les nombres Cours au Collège de France (20

[2] Je envoie aux livres de Dany Robert Dufour, 2017, La fable des abeilles (et autres textes de Bernard de Mandeville), et, 2019, Baise ton prochain. Une histoire souterraine du capitalisme.

[3] Pour les détails et l’argumentation, je renvoie à Dufour, 2019.

[4] Parmi les grands ancêtres, le colloque Walter Lippmann (Paris, 1938), qui rassemble 26 économistes et intellectuels libéraux. Pour suivre Edward Bernays, un groupe de Grands Sachants se dévoue à chercher la meilleure voie à suivre pour un « Peuple », par définition ignorant. Dans un tel environnement, la démocratie devient bien évidemment un oxymore

[5] Maigre consolation : même « l’élite » est prolétarisée, devant la consommation. Acheter un yacht et/ou construire un bunker sous sa villa, que de frais ! Mais il est vrai que j’oublie systématiquement : « Les vices privés font les vertus publiques ».