Pour un catastrophisme éclairé
Dernière page de l’annexe au livre de Jean-Pierre Dupuy, l’avenir de l’économie (2012) :
Le catastrophisme éclairé est une ruse qui consiste à faire comme si nous étions la victime d’un destin tout en gardant un esprit que nous sommes la cause unique de notre malheur. Il nous faut vivre désormais les yeux fixés sur cet événement impensable, l’autodestruction de l’humanité, avec l’objectif, non pas de le rendre impossible, ce qui serait contradictoire, mais d’en retarder l’échéance le plus possible. Il s’agit de se coordonner sur un projet négatif qui prend la forme d’un avenir fixe dont on ne veut pas . Le paradoxe de l’autoréfutation veille : si l’on réussit à éviter l’avenir indésirable, comment peut-on dire qu’on se sera coordonné, fixé sur l’avenir en question ? La formule du catastrophisme éclairé s’obtient donc en prenant le négatif de la formule du Plan rappelée plus haut, mais en lui rajoutant un codicille pour la faire échapper à l’autocontradiction. Cela donne : « obtenir par la futurologie scientifique et la méditation sur les fins de l’homme une image de l’avenir suffisamment catastrophiste pour être repoussante et suffisamment crédible pour déclencher les actions qui empêcheront sa réalisation, à un accident près. »
Et Jean-Pierre Dupuy de conclure le livre avec la citation de Hölderlin (Patmos) :
Wo aber Gefahr ist
Wächst das Rettende auch *.
(Mais où le danger est présent / croît également ce qui sauve)
Dans l’espace de la post-vérité, le bobard a rejoint le café du commerce.Aimé Shaman