L’épidémiologiste Christopher Wild a défini l’exposome comme « la totalité des expositions auxquelles un individu est soumis de la conception à la mort » : « c’est une représentation de l’excès dynamique des expositions auxquelles une personne est sujette tout au long de sa vie, intégrant l’environnement chimique, microbiologique, physique, récréative, médicamenteux, le style de vie, l’alimentation, ainsi que les infections. » Wild distingue trois dimensions de l’exposition : « extérieur, spécifique » (agents chimiques ou biologiques, usage des médicaments, etc.) ; « extérieur, non spécifique » (climat, biodiversité, allure du tissu urbain, etc.) ; et « intérieur », spécifique à chaque individu (métabolisme, microbiote, etc.). À la croisée de cet ensemble de facteurs, l’humain semble caractérisé moins par une intégrité biologique bien délimitée que par un processus incessant d’intégration de l’altérité, à tous les niveaux. Philosophie magazine, numéro 169, mai 2023.
L’eau râle et les cris
Constatons que, tant que le profit de quelques-uns – les actionnaires – se fera aux dépens des populations et sur le dos du bien commun, il ne pourra pas en être autrement (et la pratique n’est pas limitée à Nestlé, Alma obéit bien évidemment à la même logique néolibérale). Et cette pratique n’est pas bornée aux eaux minérales. Mais jusqu’à ce jour, je ne peux pas boire de pétrole). J’enfonce bien sûr là des portes ouvertes, mais ça repose les épaules.
On pourrait aussi envisager la responsabilité des consommateurs, prêts à acheter de l’eau en bouteille plutôt que de boire l’eau du robinet. Mais il s’agit là d’un autre sujet, et je préfère envoyer le lecteur au magnifique texte de Ivan Illich, H2O : Les Eaux de l’oubli, 1988. Et je renforce ma notion de « schizoïdie fonctionnelle ».
Ça ne date pas d’hier! Sans faire la généalogie de la manière dont les droits sur la source de Vittel ont été attribués à Nestlé :
Mercredi 2 octobre 2019 : Victoire ! L’État français vient en effet de mettre un coup d’arrêt à la voracité de Nestlé. L’Agence de l’eau et l’État ont appelé à abandonner le principe des transferts d’eau via des pipelines autour de Vittel. Dans une volte-face sans précédent, l’État enterre ainsi le projet poussé par Nestlé de pipeline d’eau potable, reprend en main la politique locale de l’eau et n’exclut pas de retirer des forages au minéralier. La mobilisation des ONG et de la société civile a fait vaciller le géant suisse ! EKO L’humain et la planète avant le profit

© EKO L’humain et la planète avant le profit
Nestle Waters : What else ?
Les « schizos » au secours, non mais « allô, quoi ! ».
La glace des icebergs, si on ne la sauve pas, elle va faire monter le niveau des mers, entre autre tragédie. Faisons en sorte qu’elle ne meure pas pour rien. Invitons-la, en lui offrant un dernier plaisir, à l’heure de l’apéro, dans un pays chaud.
Non, il ne s’agit pas d’un appétit de lucre, juste une pulsion d’humanisme. Bien sûr que ce sera (un peu) rémunérateur, en plus d’être rémunéré, car il faut bien qu’on vive après avoir payé nos frais !
Des cubes qui foutent les boules (26.01_2024 Vigousse)
A Dubaï il fait chaud et au Groenland il fait froid : ça donne de brillantes idées commerciales à de jeunes entrepreneurs qui s’affirment vertueux et responsables, mais qui manifestement n’ont pas inventé l’eau tiède.
C’est le miracle qu’offre au monde une start-up hautement philanthropique et écologique : la maison Arctic Ice, fondée au Groenland. Bien que signalée à notre attention par un mauvais esprit un tantinet sarcastique qui voit le mal partout, cette société se présente sous un jour tout à fait resplendissant. D’ailleurs son site web, magnifiquement documenté, le proclame clairement : « Nous ne sommes pas juste une entreprise, nous voulons prendre soin de la communauté. » C’est généreux de sa part. Arctic Ice est fière de proposer la « glace la plus pure du monde. » Au cœur des glaciers arctiques depuis 100000 ans, elle n’a « jamais été en contact avec un sol quelconque ni été contaminée par les substances polluantes liées aux activités humaines : l’Arctic Ice est ainsi l’eau la plus propre sur Terre ». Mais attention : son commerce ne saurait se plier aux sordides priorités pécuniaires d’un système économique bassement centré sur le profit et la croissance. Non non non. Le jeune patron de la boîte « croit fermement que sa responsabilité s’étend bien au-delà de ses objectifs principaux ». Autrement dit, il veut « non seulement servir sa clientèle, mais aussi préserver l’environnement, soutenir les communautés indigènes et promouvoir la justice sociale » On est ému aux larmes par tant de bonté. […]
« Les microplastiques envahissent tout, de l’eau des mers au lait des mères »
Hissés à bord de bateaux, les morceaux flottants sont tronçonnés et fracassés tandis que des échantillons sont confiés à des laboratoires vérifiant leur pureté. Débarquée ensuite à Nuuk, la glace est conditionnée dans des containers réfrigérés, lesquels sont chargés sur des cargos. […]
Glace vierge pour émirs nantis […] : « Notre glace d’iceberg n’a que très peu ou pas de goût du tout, grâce à quoi elle n’altère pas la saveur des breuvages en fondant, contrairement à la glace faite d’eau du robinet ou d’eau minérale. De plus, sa structure fait qu’elle fond plus lentement, ce qui procure une expérience premium dans les bars et restaurants. Elle favorise aussi la conscience de l’Arctique et de la durabilité. » Formidable ! Et en plus c’est donné : 710 francs pour six boules de 5 cm de diamètre.
Laurent Flutsch.
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Et l’on se reprend à espérer entre les agriculteurs (pas forcément ceux de la FNSEA) avec des écologistes (pas forcément ceux des pistes cyclables en ville)
Être complotiste, c’est réclamer le droit de douter de tout. Et pour douter de tout, il faut surtout ne douter de rien !
Aymé Shaman, descendu du plot et dans les starting-blocks