Mort du politique, vive la politique !

Mort du politique, vive la politique !

Au commencement était l’Élément de langage, et l’Éléments de langage était avec …*, et l’Élément de langage était …**. ( Évangile de Gens)
* Compléter avec le nom de votre candidat_e favori_te. ** Idem. Si possible avec le même nom, sous peine d’être classé « Indécis_e ».
La différence faite entre Le politique et La politique ne ressortit pas ici du langage épicène.

Comme tout bon consommateur prolétarisé, les femmes et hommes politiques sont en panne d’énergie libidinale. Et c’est pour cela qu’ils/elles se mêlent de vouloir guider leurs chers concitoyen_ne_s dans les labyrinthes de leurs supposés désirs, lesquels devront correspondre à leurs réels besoins (à eux, les politiques).

Pour ce faire, ils/elles essentialisent des entités hétérogènes (des « gens ») qu’ils/elles homogénéisent dans « Le Peuple ». Ils/elles obtiennent cette unité en projetant sur ces « gens », et en vénérant, ce que Spinoza nomme les « passions tristes ». Parmi ces passions, essentiellement la peur, et particulièrement la peur de « l’Autre » (lui aussi, essentialisé).

Dès lors, comment projeter du rêve en utilisant la peur comme base pour les fondations d’un édifice solide ?

Ceci est à mon sens la fonction du politique : la capacité de transformer un idéal personnel en rêve collectif. Mais on pourra objecter de la possibilité de faire rêver collectivement quand l’idéal politique est de maintenir en vie un système économique, avec comme seules substances à disposition des « relance de la croissance », des inversions de courbes,… et où des individus de chair et de sang sont opérationnalisés en catégories : retraités, chômeurs, CDI,…

La capacité du « Peuple » à transformer en rêve un espoir partisan projeté se fonde essentiellement sur l’exemplarité, laquelle dépend uniquement de la morale.

Monsieur Fillon ne peut imaginer le général De Gaulle candidat et mis en examen ; il a parfaitement le droit de rémunérer sa femme et ses enfants, dans le cadre d’une enveloppe sur laquelle il n’a pas de compte à rendre ; il peut se faire offrir des costumes par des amis, etc. Et alors ? Monsieur Valls battu à la primaire, peut garantir Monsieur Hamon de son soutien, lui donner sa parole et quelques temps après, soutenir Monsieur Macron. Et alors ? Madame Le Pen peut… Et alors ? Etc.

Comment, quand Le politique est passé au plan du virtuel, peut-on qualifier de « fictifs » les emplois que procure La politique ? Mais naturellement, bien sûr, grâce/à cause (rayer la mention inutile) de petits juges politisés à la solde de « cabinets noirs » (ou rouge, par respect pour la biodiversité).

Et alors ? Des lors que l’on prend Le Peuple à témoin en se targuant – essentialisation – de le connaître, le populo peut activer sa « décence ordinaire » (common decency) en considérant que le droit de vote est un attribut, un privilège, de la démocratie, que la France, aujourd’hui dans l’incapacité de le cacher, montre à l’évidence qu’elle n’est pas une démocratie, mais qu’elle reste ce qu’elle a toujours été à savoir une « monarchie républicaine ».

Le populo peut alors faire croire qu’il croit à son existence de « Le Peuple » et se déplacer pour voter à l’image de ceux qui prétendent devenir ses élites, à savoir voter Nul ! (Je n’adopte pas ici le langage épicène, les sympathisant_e_s de Madame Le Pen pourront voter blanc).

Une société qui oscille en permanence entre l’achat d’avions de combat, la construction d’hôpitaux, de prisons et de maisons de retraite ne peut être fondamentalement mauvaise.
Un État qui se proclame Patrie des droits de l’homme et qui bat des records de ventes d’armes peut, lui, être taxé de « redoutablement cohérent ». Aimé Shaman