Le développement de la communication exige, pour qu’elle soit efficiente, d’aboutir à la désinformation. Les offices de communication se doivent, pour satisfaire des clients représentant des diversités d’intérêts, de développer, à terme, des notions comme « alternative facts », « post truth »,… L’annonce du lancement de la plate-forme Truth Social lancée par Donald Trump n’est qu’un développement logique de ce mouvement. Le tweet et le retweet seront remplacés par le truth et le retruth. Il me vient l’image d’un gamin d’école maternelle, tapant du pied dans la cour de récréation en s’écriant : « C’est Moi que je l’ai vu preum’s ! ».
Trench theory – On va trancher
Envie de partager un extrait de l’entretien d’Annie Le Brun, avec Cédric Enjalbert – à lire dans le numéro de mars 2024, Philosophie Magazine).
Sans le passage par les États-Unis et la « concaténation » – la compression, pour rendre à César… – de penseurs originaux et différents, nous revenons sous l’étiquette French theory, nous pouvons nous demander si nous parlerions aujourd’hui de « déconstruction ».
Il est un fait que leur « rationalité conquérante » servait la logique économique et permettait de masquer la continuité entre l’obéissance au Führer et la soumission à la « logique du marché » (dissimulée, dans les années 70, sous l’appellation philanthropique de « satisfaction des besoins »). Il faut en effet ne pas oublier le rôle du Oberführer SS Reinhard Höhn dans la genèse des écoles de management comme l’Insead, l’IMD, etc.
De là à imaginer que le nazisme était une étape nécessaire pour la survie du capitalisme en néolibéralisme… Mais ce serait une autre histoire si les événements politiques actuels ne veut des données les signes inquiétants d’une probable vérité. Enfin, la « déconstruction » permet d’ouvrir la porte à « toutes les sortes de décontextualisation possibles. »
Merci Madame !
Annie Le Brun : “Avec l’amour, la société est atteinte dans ses bases” Propos recueillis par Cédric Enjalbert publié le 15 février 2024 Philosophie Magazine no 177, Mars 2024
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Dans l’un des textes réunis dans le volume [L’Infini dans un contour, 2023], vous vous adressez précisément à des jeunes d’une vingtaine d’années, disant être encore plus démunie et révoltée qu’à leur âge. Qu’est-ce qui vous déboussole autant ?
L’actuel désarmement de la pensée critique qui va de pair avec une anesthésie sensible grandissante. À mes yeux, les penseurs de la French Theory ont grandement contribué à cette situation. Car leur rationalité conquérante s’arrogeant le droit d’investir le monde sensible, c’est d’un point de vue dominant qu’ils ont exercé leur « déconstruction », ouvrant la voie à toutes les sortes de décontextualisation possibles. Rien n’aura plus aidé à la neutralisation de tout opérée aujourd’hui par l’absolue prédominance de l’argent. C’est ainsi qu’ils ont préparé l’extension du capital en rendant tout équivalent, de façon à précipiter la dérégulation à laquelle nous assistons dans tous les domaines mais dont la conscience historique a été la première victime, suivie par la question du sens [souligné par moi]. D’ailleurs, quel sens chercher au présent sans présence que nous impose un monde exclusivement déterminé par les différentes instances du nombre ? Anéantissement du sens et effacement du négatif en sont les caractéristiques, avec pour conséquence une impossibilité grandissante à débattre, marquée par la disparition de tout ce qui pourrait ressembler à la dialectique. Ainsi est-il remarquable qu’aucun de ces déconstructeurs n’ait été véritablement dérangé par l’implication fasciste de leurs maîtres Martin Heidegger ou Paul de Man, alors que, dès les années 1950, le peintre Max Ernst était en mesure de mettre en lumière la parenté de la langue de Heidegger avec celle du nazisme [souligné par moi]. Comment ne pas se sentir démunie lorsque l’autorité intellectuelle est d’abord prétexte pour affirmer une position dominante ?
Je sens votre révolte intacte. Comment reste-t-on fidèle à soi-même ?
Je ne peux pas faire autrement ! Les choix intellectuels ont un poids de chair et de sang. Ce que trop ont tendance à oublier, à l’inverse des poètes, tels Arthur Rimbaud, Agrippa d’Aubigné ou Théophile de Viau, dont, des siècles après, la conscience poétique brise les miroirs de l’abstraction pour nous faire voir ce qu’on nous apprend à ne pas voir.
Comme Victor Hugo, qui donne le titre de votre recueil ? [L’Infini dans un contour, 2023]
Oui, quand il s’interroge sur l’indéfinissable notion de beauté pour arriver à la définir comme « l’infini contenu dans un contour ». Tout y est, comme lorsque j’ai eu la chance, lors de l’exposition Les Arcs-en-ciel du noir, de travailler à la Maison Victor-Hugo sur ses dessins. À l’évidence, ils n’illustraient pas ses textes mais leur répondaient en profondeur. J’en éprouvais une espèce de vertige, dont parle Hugo comme « celui qui, vous emportant à la fois vers le jour et vers la nuit, se compose de deux tournoiements en sens inverse ». Ce double vertige, ce regard qui voit à la fois au plus loin et au plus près, évoque précisément à quoi tient la justesse de la vision poétique. C’est une faiblesse de la raison que d’être si persuadée de sa toute-puissance qu’elle n’envisage que sa façon unidimensionnelle d’appréhender le monde. [souligné par moi]
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Faute de valeur supérieure qui oriente l’action, on se dirigera dans le sens de l’efficacité immédiate. Rien n’étant vrai ni faux, bon ou mauvais, la règle sera de se montrer le plus efficace.
Camus, Albert

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Le café passe, reste la tasse. What else ?
Aymé Shaman, gorge clownesque