Désormais, le vif nourrit le mort !

Désormais, le vif nourrit le mort !

De Paul Jorion, 2016, Le dernier qui s’en va éteint la lumière. Essai sur l’extinction de l’humanité (Paris, Fayard). Extraits

L’immeuble qui a justifié l’emprunt joue, lors de sa construction, le rôle de collatéral pour celui-ci. Le chercheur Matthew Rognlie du MIT, s’étant interrogé sur les gains du capital auxquels s’est intéressé l’économiste français Thomas Piketty dans son livre à succès Le Capitalisme au XXIème siècle (2013), a mis en évidence que la quasi-totalité de ces gains consistent en plus-values dans l’immobilier. Ce qui va dans le sens des réflexions de Lord Adair Turner, patron jusqu’en 2013 de la Financial Services Authority, le régulateur des marchés financier au Royaume-Uni, qui dressa en 2010 la liste des activités inutiles, voire nocives, de la finance.
Turner commençait par attirer l’attention sur le fait qu’il est nocif qu’un secteur dépasse la taille correspondant à son véritable rôle économique. À un contradicteur prétendant que le secteur financier devait s’efforcer de devenir le plus gros possible, il avait répondu que l’on n’imagine pas que les centrales électriques cherchent à excéder la demande du marché, la capacité du secteur de l’énergie devant être celle des besoins apparus dans l’économie (Turner 2010).
Turner proposait ensuite que l’on distingue parmi les activités financières celles qui sont « socialement » et « économiquement » utiles. Il prit alors tout le monde au dépourvu en mentionnant en bonne place parmi celles qui sont inutiles, voire nocives, le prêt au logement. Il expliquait que, si l’on examinait l’économie britannique depuis le XIXê siècle, on découvrait avec stupéfaction que les prêts au logement (lesquels représentent au Royaume-Uni 65 % des crédits accordés, et 75 % si l’on y ajoute les locaux à usage commercial) n’ont rempli au cours des deux derniers siècles qu’une seule fonction : faire que le parc immobilier soit revendu par chaque génération à la suivante à un prix outrageusement gonflé. Il ne s’agit là, selon Turner, que d’une rente indûment perçue par une génération sur celle qui lui succède (ibid.).
La justification offerte à cela? « C’est que le prix de la terre grimpe inexorablement, mon bon monsieur ! Que peut-on y faire? » Le résultat? Les jeunes ménages empruntaient autrefois pour une période de cinq ans en vue de se loger ; puis ce fut dix ans, puis quinze… Et maintenant, à combien sommes-nous? Vous êtes sûr? Ah, zut ! Cela veut dire qu’on dépasse désormais la longueur d’une génération! C’est très gênant: cela signifie que non seulement cela coûte de plus en plus cher, mais aussi que chaque génération repasse la patate chaude des dettes à la génération suivante !
Noah Smith, de l’agence Bloomberg, offre cependant à cette hausse une autre explication: le bénéfice qu’il y a à exercer une activité dans un centre urbain. L’espace au cœur d’une ville n’étant pas infiniment extensible, la rareté fait grimper les prix. La rente générée par cette tendance séculaire étant sans rapport avec l’effort ou le talent, Smith suggère de la taxer. Il fait remarquer que Milton Friedman, dont l’antipathie envers l’État était pourtant légendaire, estimait qu’une taxe foncière, ponctionnant cette rente au profit de la communauté dans son ensemble, pouvait être considérée comme « la moins mauvaise des taxes ».
Que dire également des retraites au chapitre de la façon dont nous traitons les générations futures? À l’époque où le régime des pensions fut mis en place, les gens tombaient comme des mouches peu de temps après avoir pris leur retraite. Cela marchait sans à-coups pour pas très cher. Ensuite, les progrès de la médecine firent merveille et le baby-boom de l’après-guerre gonfla la taille de toute une génération. Aujourd’hui, les jeunes en nombre réduit (ceux qui occupent les emplois peu nombreux que les robots et les algorithmes leur ont laissés) bossent dur pour payer les pensions des retraités.
Personne n’avait donc pensé à cela?
Mais si, bien sûr, « on» y avait pensé: « on» n’était pas à ce point stupide ! Mais nous étions naïfs : nous pensions que les robots et les logiciels collaboreraient avec nous, augmentant notre productivité, de telle sorte que chaque travailleur soit la source d’une richesse toujours plus considérable. Nul n’avait envisagé que les robots et les algorithmes nous remplaceraient purement et simplement, réduisant la grande masse d’entre nous au chômage, en quête d’un boulot toujours plus rare, alors que la productivité des machines contribuerait seulement à faire grossir les dividendes que les entreprises distribuent à leurs actionnaires, ainsi que les bonus faramineux de leurs dirigeants.
Autrement dit, dans notre candeur typique des années 1950, nous imaginions que la mécanisation et l’informatisation bénéficieraient à tout le monde. Nous avions négligé que notre système économique, c’est le capitalisme.
Et voilà pourquoi un nombre très réduit de travailleurs entretiendront des masses de retraités vivant à leurs dépens : parce que la machine a cessé de nous aider et se contente maintenant de nous remplacer, et qu’elle rapporte exclusivement à ceux qui la détiennent et la contrôlent.
Un dernier mot sur le nucléaire. Les générations futures seront, à l’image de nous-mêmes, super-intelligentes. Nous sommes même sûrs qu’elles seront beaucoup plus intelligentes que nous, puisqu’elles trouveront le moyen de traiter les déchets nucléaires que nous accumulons et dont la dégradation naturelle prend des centaines, voire des milliers d’années. Bonne chance aux petits Einstein du futur, puisque nous comptons sur eux !
Nous vivons aujourd’hui aux crochets des générations futures et nous leur léguons une poubelle explosive très chère à entretenir, tout en les privant des moyens de vivre de leur travail. (pp.62-65)

Comme disait mon ami Shaman, « Désormais, le vif nourrit le mort ! »

Trois hypothèses sur la disparition de l’homme de Neandertal : génocide, assimilation, extinction naturelle. Il ne faut pas oublier que Neandertal disposait d’un cerveau plus volumineux que le nôtre : 1500 cm³, contre 1350 cm³ ! Aux trois hypothèses, il faut donc ajouter celle du suicide qui devient une certitude : Néanderthal avait tout prévu et préférait ne pas voir ça.Aimé Shaman