Du devenir à l’à-venir

Du devenir à l’à-venir

Le paradoxe du futur postérieur…

Fantasme de l’immortalité : le futur se transforme et, d’un temps du devenir, mute dans celui d’un à-venir, suite de lieux-moments dont on a tout à craindre.

La paranoïa, dont les caméras de surveillance ne sont que le symptôme le plus visible, devient consubstantielle de l’immortalité. La psychopathologie d’aujourd’hui sera la norme de demain. La condition du bonheur durable sera dans la permanence de l’insécurité et du du contrôle.

Se souvenant certainement de Galilée qui avait annoncé que les lois de la nature pouvaient s’écrire sous forme d’équation mathématique, l’humain compte et fait des statistiques : le monde s’est fait nombre ! (*)

D’outils au service de l’humain lui permettant de vérifier qu’il était bien sur le chemin de la réalisation de ses rêves, la statistique se transforme en révélateur du Réel, en indicateur des risques qu’il lui faudra éviter. Désormais premiers, les algorithmes dispensent d’une épistémologie.
Je ne parlerai pas ici de la scotomisation à l’œuvre pour « écarter » tous les risques qui pourraient aller contre l’idéologie utilitariste et l’économie néolibérale, mais on peut analyser le brexit, l’élection de Donald Trump, la montée des populismes, etc. tous ces mouvements que les sondages ne voient pas, comme des réactions populaires à cette scotomisation.

Les rêves se sont évanouis devant le marketing qui cherche à gagner des parts de marché sur le temps du sommeil, en le faisant dormir debout.

Plus d’individuation dans la communauté d’un devenir, mais prolétarisation des individus dans l’à-venir fantasmé. Paranoïa qui rejoint la « honte prométhéenne » annoncée par Günther Anders ? Qu’est-ce qu’un Narcisse blessé dans l’éternité de son immortalité ?

(*) sur l’émergence de la statistique, voir le livre d’Olivier Rey, Quand le monde s’est fait nombre, 2016, Paris, Stock.

Un futur sans devenir ne vaut pas plus qu’un passé sans histoires.Aimé Shaman