Pro fête et Fouturologue

Pro fête et Fouturologue

© Passeport Santé

Taxer de « passéiste » toute discussion de la complexité de nos rapports avec ce qui nous a précédés revient à substituer un slogan à une critique sociale objective, à laquelle cette attitude prétend, pourtant, s’associer. Toute évocation favorable du passé est systématiquement accueillie, aujourd’hui, par un ricanement de rigueur qui fait appel aux préjugés d’une société d’autant plus pseudo-progressiste qu’elle veut justifier le statu quo. Lasch, Christopher. 1979. La culture du narcissisme.

La raison est humaine. Avec la technique et la technoscience, on a affaire au « rationnel » qui n’a rien à faire avec le raisonnable.

Gilbert Simondon

Play cynisme

Le passé avait ses prophètes. Le présent a ses futurologues.

Les prophètes se fondaient sur la religion, dans l’impossibilité de comprendre. Les futurologues se basent sur la « science », dans la prétention à tout expliquer.

La science est passée de la description de ce qui est à la prospection de ce qui pourrait être. L’homme ne se répare plus seulement, ON le prolonge.

De la science découlait les techniques alors qu’aujourd’hui, la science réclame les techniques pour pouvoir exister.

La science a besoin des techniques qu’elle réclame à l’économie / la finance, laquelle va prendre sur le social. Là est la reproduction du système technicien.

L’homme, produit naturel qui se reproduisait dans la nature, produit désormais la nature et, suite logique de sa « honte prométhéenne », s’attache à produire l’homme. Cannibalisme inversé : vomissant l’humain, le technicien produira dorénavant l’homme – voir un livre récent de Fabrice Colomb, Le Capitalisme cannibale.

L’air, dans l’ère, n’est plus à la prédiction, mais à la prévision. Le mythe qui expliquait les limites dans l’espace symbolique, a cédé la place à l’illusion de la rationalité dans un flux de simulacres.

Occasion de nous rappeler que la différence est mince entre la raison aveugle et la folie rationnelle.

Les prévisions ne sont peut-être rien d’autre que l’idée qu’on se fait du futur et, comme telles, elles l’influencent et, donc, le limite !

Dès lors, deux attitudes sont possibles, face à l’avenir, l’une « optimiste » et l’autre « pessimiste ».

Optimiste

Le monde est parfait, idéal. C’est la position du prophète Ézéchiel. Nous souhaitons qu’il se réalise – pas Ézéchiel, mais le monde, Quoi qu’il arrive, nous trouverons des solutions à nos problèmes.

Le futurologue Ézéchiel souhaite avoir raison. Il veut nous entraîner et nous faire adhérer avec lui : c’est un politique.

On le rencontre dans la majorité des industriels et des économistes. Ses descendants tiennent un discours du « développement durable » anthropo-centré.

La conception de l’économie est newtonienne.

Pessimiste

Si nous ne faisons pas attention, le monde sera épouvantable. Mais si nous agissons, ça n’aura pas lieu.

Le futurologue Jérémie souhaite avoir tort. Il souhaite que le spectateur se transforme en acteur, se responsabilise : c’est un éveilleur – voir le livre de Jean-Pierre Dupuy, Petite métaphysique des tsunamis.

Ces descendants tiennent un discours « développement durable » éco-centré.

La majorité des représentants de la bio-économie semble dépasser cette opposition optimiste/pessimiste. Dans leur prise en compte des écosystèmes, ils sont simplement réalistes.

Les descendants d’Ézéchiel ne manquent pas de les traiter de « catastrophistes », dans leur adhésion à un techno-solutionnisme nécessaire à l’illusion d’une croissance illimitée.

Optimistes catastrophistes ? Nous oublierons bien sûr de qualifier les milliardaires qui se font construire des bunkers, sous leur propriété, « au cas où… ».

Les descendants de Jérémie sont des catastrophistes car ils empêchent les descendants d’Ézéchiel de proposer des produits qui permettront d’éviter les risques de catastrophes de ce qu’ils auront eux-mêmes fabriqués.

Je reste sur mes diagnostics de schizoïdie fonctionnelle.

Le vrai pessimiste sait qu’il est déjà trop tard pour l’être.

Hervé Le Tellier. L’Anomalie, 2020

© Slate

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