Prolétaires de toutes les unis, réveillez-vous!

Prolétaires de toutes les unis, réveillez-vous!

Bernard Stiegler. 2012. États de choc. Bêtise et savoir au XXIe siècle.

Dans la guerre économique mondiale, les universités et organismes de recherche sont mobilisés au service d’une accélération illimitée de l’innovation, dont les effets sur la programmation de l’invention sont décrits par Derrida, et qui est présentée comme la condition même de la survie – une survie qui paraît cependant n’être plus possible elle-même qu’à court terme : aux dépens de la vie future.

Cette finalisation de la recherche pose d’immenses questions quant au devenir et à l’avenir noétique – questions face auxquelles l’université, en l’état actuel des choses,
– soit se laisse instrumentaliser et transformer en diverses spécialités non plus de savants, mais d’experts, par lesquels la fonction académique se trouve de plus en plus souvent discréditée,
– soit se réfugie dans le rêve sans avenir d’une autonomie inconditionnelle, indemne de toute pharmacologie, croyant pouvoir se dispenser ainsi de penser la condition qui frappe toute affaire noétique, c’est-à-dire toute forme d’individuation psychique et collective – à l’intérieur comme à l’extérieur de l’université.

Pour sortir de cette fausse alternative, il est essentiel que l’université invente un nouveau rapport à son dehors (et, à travers lui, à la question de son milieu, et non seulement de l’« environnement », qu’il soit physique, économique, politique ou mental) par la théorie et la pratique des hypomnemata et en relation avec les communautés d’amateurs, c’est-à-dire par le développement d’une recherche contributive.

Les communautés d’amateurs – formant ce qu’on pourrait appeler dans certains cas des académies numériques – sont déjà impliquées dans divers champs de la recherche, par exemple en épidémiologie, en entomologie, en astrophysique, en informatique (en relation avec le modèle industriel de production open source), en économie, etc.
(p. 328-9 – je n’ai pas tenu compte des notes de bas de page)

Pourquoi les universités nomment-elles des professeurs ordinaires? Et pourquoi les étudiants s’en contentent-ils?Aimé Shaman