L’économie (grec ancien oίkonoμία – oikonomía – gestion de la maison), est devenue synonyme de Croissance ou, plutôt, terme de tautologie : l’économie, c’est croître, et la croissance est le seul moteur de l’économie. Dans cette idéologie « de progrès » où ce progrès signifie un « + » (et où l’idéologie consiste justement à ne pas voir ce que l’on perd), la croissance est naturellement postulée comme infinie. Ici, naturellement, le rôle de l’idéologie est d’écarter l’objection que nous sommes dans un monde fini.

Et là s’élabore un discours religieux, d’une religion immanente et non transcendante : croyance dans la technique comme moyen de croyance dans la croissance. Comme tout bon discours religieux, il s’accompagne d’anathèmes sur celles et ceux qui pourraient mettre en doute la pertinence de cette vision du monde.
Elles et ils sont taxés de « technophobes ». Pendant ce temps, les technophobes ne peuvent pas taxer ceux qui les nomment ainsi de « technophiles », la suffixation -phile étant valorisée dans cet environnement de croissance et de progrès.
Un philosophe pourrait bien sûr interroger : est-ce vraiment faire preuve de philia que de faire jouer à un sujet ou à un objet (en l’occurrence la technique) un rôle dont il n’a pas la compétence ?

Dépassement de la finitude. Comme les religions du Livre nous offraient l’immortalité(1), les transhumanistes – Empereurs dans un empire semblant confondre la rationalité et la raison – nous offre pauvrement l’immortalité sur terre et l’amour avec des robots. Les technophiles, phobanthropes (2) certainement et misologues (2) sûrement, ne parle que très rarement de l’accès aux ressources pour produire et entretenir toutes les merveilles techniques nécessaires au bonheur qui nous est promis (3).

Et c’est normal car la croissance infinie dans un monde fini, au service de l’économie et du progrès technique, impose de tuer le vivant. D’où l’empoisonnement des « communs » au profit de quelques-uns. Quelques-uns de ces quelques-uns investissent d’ailleurs beaucoup de ses profits dans la recherche pour un voyage vers Mars… « Hop, une planète Mars et ça repart!» (la pub).

Au nègre esclave de l’inégalité des races a succédé aujourd’hui a succédé le consommateur prolétaire sans distinction de classe. À quand une Déclaration universelle des devoirs de l’Homme vis-à-vis de la nature (4) ? Une occasion pour les anthropophiles de se montrer connectés.

(1) Avec 60 vierges pour les hommes – les femmes, plus raisonnables, savent bien que la virginité, c’est comme les allumettes ; si elles avaient eu la parole, pleinement conscientes de leur(s) mystère(s), elles auraient choisi des hommes et/ou des femmes expérimenté_e_s. Ces grandes religions n’ont pas prévu d’éternité heureuse pour les hommes qui voudraient retrouver des hommes : ils n’ont droit qu’à l’enfer où ils seront, ad mortem aeternam, sodomisés par des homophobes !
(2) Phobanthrope : qui a peur de l’humain. Misologue : qui éprouve le dégoût pour la réflexion et la logique.
(3) Je me suis laissé dire que Ray Kurzweil ingurgitait plus de 200 pilules de compléments alimentaires quotidiennement. La vie des libertariens transhumanistes figure un bonheur pour le moins paradoxal. On me répondra certainement que ça n’est que provisoire car la solution technique arrive…
(4) Oui, oui, ça inclut l’humain!

Dans Le Monde du 12 décembre 2014, Peter Praet, Chef économiste de la BCE, déclarait : « le risque est que l’inflation puisse tomber temporairement en territoire négatif. » Que de circonlocutions pour éviter de prononcer le mot terrible de Déflation..Aimé Shaman