Ultima necat

Lecture du Tome I du Journal intime de Philippe Muray

13 septembre. Le Christ revisite le monde, refait le même parcours et la même expérience. Mais cette fois, ne trouve plus aucune figure humaine à qui s’adresser, aucun individu qui se légitime d’être Un et le légitime, lui, de ne pas l’être (mais unique). Et pourtant ce ne sont pas des fous, ils n’en souffrent pas. Le Christ ne voit, n’évolue au cours de ce second parcours qu’à l’intérieur de la fourmilière. Il se repaît quelque temps d’histoires individuelles. Mais ces anecdotes, même si elles font encore fugitivement souffrir les individus, s’effacent aussi. Ils n’y croient plus, elles disparaissent. Il comprend peu à peu que le monde a changé, et que c’est maintenant le multiple seul qui prouve Dieu.
Ce qui rend désespérante et désespérée la nouvelle intervention de Jésus, dans l’optique de mon livre, c’est que ce qu’il a accompli et qu’il voudrait ou pourrait très bien ré-accomplir (pour qui ?), la fourmilière maintenant l’accomplit parfaitement toute seule, symétriquement – à sa place et à sa manière. Donc, elle fait une figure globale de Dieu, du fils de Dieu (sicut Dii)

16 septembre. Au fond, ce que je demande à ce livre, pour « après », pour les autres livres, c’est la permission de mettre des personnages et des intrigues.
La parole du Christ face au Club Méditerranée comme monde.
Ils veulent, ils sont en train de devenir des maîtres, des conquérants. Mais par dérision, il n’y a pas plus écroulés, harassés qu’eux.

(Ultima necat. Journal intime 1978-1985. p. 11)