Vers une écologie, loin des verts ?

Vers une écologie, loin des verts ?

Il va y avoir encore du boulot atteindre à une écologie libérée de l’utilitarisme !

Jean-Paul Besset, 2005, Comment ne plus être progressiste… sans devenir réactionnaire (Paris, Fayard).

Une social-écologie? Dire adieu à la gauche ou à la droite, c’est libérer un espace à un mouvement social susceptible d’impulser un nouveau tempo, de bousculer les conformismes, d’emporter les convictions populaires et de construire un autre consensus social. Jusqu’à présent l’option social-démocrate, que ce soit dans ses déclinaisons socialiste, travailliste, démocrate-chrétienne ou démocrate à l’américaine, s’est avérée la forme d’accompagnement de l’humanité la plus adaptée sur la voie du progrès.

Tout au long du XXe siècle, malgré le fascisme et le communisme qui, chacun à sa façon et pour des raisons qui ne se confondent pas, ont cherché à l’abattre, la social-démocratie s’est imposée comme force de régulation et d’équilibre. Un pied à gauche, l’autre à droite, elle y a partiellement réussi. Elle est parvenue à réglementer à peu près le marché en fonction d’une ambition de meilleure répartition sociale, à construire États-providence, services publics, contrats collectifs, en même temps que des économies performantes s’accompagnant d’une hausse sans précédent des niveaux de vie et du pouvoir d’achat. Ce fut sa fonction historique.

Mais l’histoire a tourné, et son échec, aujourd’hui, est patent. Quelles que soient ses contorsions, la social-démocratie est emportée par le flux d’un économisme anthropophage qui, sous les habits d’un nouvel âge du capitalisme, multiplie les victimes et ébranle les fondamentaux de la biosphère. Prisonnière de son histoire et de l’imaginaire progressiste dont elle est le plus brillant produit, elle ne sait plus quoi opposer à l’emballement de la machine. De fait, la régulation sociale du marché dont elle se réclame pousse l’ensemble des catégories à exiger toujours plus pour elles-mêmes sur l’échelle de l’accumulation, accélérant l’impératif de croissance et la cascade des déséquilibres naturels et sociaux qu’il provoque.

La social-démocratie a fait son temps et l’ultralibéralisme qui se propose de la remplacer n’a pas d’autre ambition que d’encourager le grand barnum du laisser-aller. C’est désormais l’heure d’autre chose, un surgissement des profondeurs que nous désignerons comme une «social-écologie»: un mouvement qui serait l’écho de la réalité du temps présent, qui s’efforcerait de maîtriser celui-ci en échappant au dogme progressiste de la croissance et en traçant un horizon de durabilité où disposer d’une planète habitable et vivable pour tous deviendrait le premier des droits et des devoirs humains.

C’est à la «social-écologie» de prendre son tour dans l’histoire pour accompagner la mutation de la civilisation comme la social-démocratie a su le faire avec la révolution industrielle. Est-il besoin de préciser que les tentatives de création de partis Verts, inféodés à des stratégies d’alliance, de pouvoir et de force d’appoint, ne constituent que des ersatz malencontreux de l’alternative dont le monde a besoin?

Avec le Prix de la Banque de Suède, les économistes orthodoxes croient au Père Nobel qui leur apporterait la Science économique. Aimé Shaman