Les OGM comme Lieux-Moments

[…]. Moment terrible pour la science française, par exemple, que ce 12 février 1997, Alain Juppé Premier Ministre désavouant la Commission du génie biomoléculaire en refusant contre son avis l’autorisation de mise sur le marché de trois variétés de maïs génétiquement modifiées. (Stengers, 2013 :26).

Il ne s’agit pas de se prononcer sur UNE vérité OGM qui n’a rien de génétique. C’est un lieux-moment nécessaire à la reproduction d’un système économique. Les paysans ont toujours modifié génétiquement, mais la survie du système économique « impose » qu’ils payent désormais les semences.

Car il s’agit bien d’un impôt payé par des privés à des entreprises multinationales (comme la recherche publique a payé des impôts le développement de la valeur boursière de Apple, comme les américains subventionnent Elon Musk, via les marchés de la NASA, etc.)

Stengers, Isabelle 2013 [2009]. Au Temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient.

Extraits  (Chap. 3)

Que pensent les « gens » ? Comment perçoivent-ils une situation ? À cette question répondaient traditionnellement les « enquêtes » : on s’adresse à des personnes « appartenant à un échantillon représentatif » et on les questionne à froid, à propos de questions qui ne les intéressent pas forcément. (29). […].

De fait, les demandes apparemment bien « raisonnables » de ces citoyens dessinent un paysage qui n’a pas grand-chose à voir avec celui que réclame l’« économie de l’innovation » dont, paraît-il, dépend notre avenir. […]. Simple contraste : aujourd’hui Monsanto bénéficie en fait directement de la prolifération de « super-mauvaises herbes » (superweeds), devenues résistantes à son herbicide Round up, c’est-à-dire exigeant des doses 10 ou 20 fois plus élevées de ce produit, qui n’a pas du tout, d’autre part l’innocuité annoncée. Mentir d’abord, affirmer que c’est trop tard ensuite, et recouvrir le tout par une morale de l’inéluctable, « on n’arrête pas le progrès », voilà ce que demande la liberté d’innover. (30).

[…]. La plupart de ces conférences sont organisés de telle sorte que les participants soient conduits à donner des avis « constructifs », acceptant les limites de la question posée, collaborant au même titre que les experts, à la production de l’étiquette « acceptable » : un nouveau type de label de qualité pour les innovations. […]. Plutôt que de se lamenter sur cet autre fait – que cela soit déjà « récupéré » -, Il appartient la lutte politique d’inventer la manière de faire conter ce qui a été ainsi appris.

[…].

Il ne faut cependant pas aller trop vite. Certes, l’événement OGM constitue un cas exemplaire de ce que peut aujourd’hui une mise en politique de ce qui était censé transcender la politique : le progrès issu l’irrésistible avancée des sciences et des techniques. (31). […]. Nous pouvions dire « non » aux OGM, mais nous ne pouvons pas, surtout pas, laissez aux responsables des désastres qui s’annoncent la charge de répondre. […]. Et cela, alors que ce « nous » n’existe que virtuellement, en tant que requis par cette réponse à donner.

[…]. Ce à quoi nous avons créé réponse est l’intrusion de Gaia. (32).

(Stengers, 2013 :29-32)

Ça vaudra la peine de s’attarder sur les spécificités de Gaïa…

Toujours se rappeler que l’anagramme de « La Vérité » est « Relative » !

Aimé Shaman