Avē  Maillard, moritūrī tē salūtant !

Avē  Maillard, moritūrī tē salūtant !

Le superflu finit par priver du nécessaire.

Laclos, Pierre Choderlos de. Les liaisons dangereuses.

Treize sur la table – Scène vécue

Le scrutin du dimanche 3 mars, en Suisse, n’a pas été scrutin entre la gauche et la droite. Premier succès, suite à une initiative lancée par les syndicats, l’acceptation d’une 13e rente AVS, par le peuple suisse, est en réalité l’affirmation, par le peuple suisse, de son attachement au principe de solidarité.

La Suisse primitive, qui a refusé l’objet, affirme en réalité sa solidarité au principe d’individualisme.

Les opposants à l’initiative argumentent toujours sur le « manque de moyens » (où va-t-on trouver les sous ?) et sur la nécessité d’éviter « l’augmentation des frais », pour les « petites entreprises ». Ce sont généralement les mêmes qui ne s’interrogent pas sur « où va-t-on prendre les sous ? » pour les budgets militaires, sur le niveau de dividendes et le rachat d’actions des entreprises multinationales.

Tout de suite après la votation, sur les plateaux des médias suisses, ces mêmes opposants commençaient à développer un discours sur le financement de l’AVS, en indiquant leur préférence pour une augmentation de la TVA (toujours pour éviter l’augmentation des coûts, pour les petites et moyennes entreprises).

Je ne saisis pas tellement la logique de ce type d’argument ou plutôt, je crains de trop bien la comprendre : les consommateurs pauvres, les familles, qui sont obligés de consommer beaucoup de produits de première nécessité, paieront l’impôt indirect, quand le millionnaire cacochyme solitaire s’acquittera consciencieusement de la taxe, sur son litre de lait quotidien.

Pourquoi ne pas proposer des taux de TVA dissuasif sur les produits « de luxe » ? Alors se poserait le problème de la définition du « luxe » : je subodore déjà des discussions sans fin.

Les essais de définition pourraient mettre en évidence les stratégies du marketing qui consiste à gérer une « obsolescence du luxe », partant de l’affichage d’une exclusivité pour arriver à la grande production, après avoir transité par la contrefaçon.

Le sac Vuitton sera contrefait et le T-shirt Nike « démodé » sera porté par les gamins qui trient les ordures, dans les banlieues de Calcutta ou de bogota – un cas limite : les baskets lancé(e)s par Monsieur Trump, pour payer ses frais de justice ; directement déchets, le fétichisme ne portant pas sur le produit, mais sur le producteur.

Une fois prise en compte le fait que le peuple suisse a affirmé – tant au niveau du taux de participation que du taux d’acceptation – son attachement aux principes de solidarité, on va peut-être finir par aborder le « vrai problème » : celui du deuxième pilier.

Combien ont gagné les actionnaires des assureurs privés et des fonds de pension pour la gestion des avoirs drainés par l’obligation légale ? J’ai entendu, que la somme de 20 milliards de francs suisses était articulée.

Combien d’opposants d’aujourd’hui, à la 13e rente AVS, ont argumenté, dans les différents médias suisses, sur la nécessité de limiter la diminution du taux de conversion du deuxième pilier ?

Pour terminer sur un point positif, je reste admiratif sur la capacité de nombreux opposants à cette rente, à pronostiquer un état financier des caisses AVS, à 10 ans. Quand on connaît la volatilité des bourses, dans une finance virtuelle qu’exige la financiarisation néolibérale – endettement sur une augmentation de valeur à venir pour rendre crédible la continuité de la croissance et provoquer l’éclatement de bulles qui la relancera –, l’admiration reste le seul sentiment à manifester, faute de basculer de la mauvaise foi.

Il ne faut pas prêter plus haut qu’on a son pécule

Aymé Shaman, agioteur.