Fuck news (1)

Le naguère du faux

Je termine la lecture d’un livre de Byung-Chul Han venant de paraître (2017, Actes Sud), Sauvons le beau. L’esthétique à l’ère numérique.
Connexions avec la politique, la vérité, l’éthique, l’esthétique,… qui me font penser que les fake news, Trump, les emplois fictifs fillonesques, etc. ne sont que des manifestations de la cohérence d’un système qui manifeste sa belle dynamique, fût-elle métastatique.

(P. 88-91). À notre époque, aucune politique du beau n’est possible, car la politique actuelle est entièrement soumise aux contraintes systémiques. Elle ne dispose d’aucun espace de liberté. Or la politique du Bo est une politique de la liberté. L’absence d’alternatives, qui est le carcan dans lequel la politique actuelle travaille, rend impossible toute action authentiquement politique. La politique actuelle travaille, elle n’agit pas. Or la fonction de la politique est de proposer une alternative, un choix réel. Sans quoi elle se transforme en dictature. L’homme politique, en tant que larbins du système, n’est pas un homme libre au sens aristotélicien du terme : c’est un valet.
[…].
Dans son ouvrage On Beauty and Being Just, Elaine Scarry décrit les implications éthiques et politiques de la beauté, et tente de mettre en place une approche esthétique de l’expérience éthique. La perception du beau ou la présence du beau lance, d’après elle, une « invitation à la justice (fairness) éthique ». Certaines propriétés du beau aiguisent notre sensibilité intuitive pour la justice : […]. La symétrie qui se trouve également au fondement de l’idée de justice est belle. Un rapport juste implique nécessairement une relation symétrique. Une asymétrie totale produit une sensation de laideur. […].
Scarry fait référence à une expérience de la beauté qui dénarcissise le sujet, qui le désintériorsise. En présence du beau, le sujet se retire. Il laisse la place à l’autre. Ce retrait radical du sujet en faveur de l’autre est un acte étique : […]. En présence du beau, le sujet adopte une position latérale, il s’écarte, au lieu de s’imposer il devient une figure latérale. Il se retire pour laisser le champ libre à l’autre.
Contrairement aux attentes de Scarry, L’expérience du beau est de nos jours essentiellement narcissiques. Celle-ci est en effet n’ont pas dominée par une latéralité mais par une centralité narcissique. Elle devient consumériste. Vis-à-vis de l’objet consommable, on adopte une position centrale. Cette attitude consumériste détruit l’altérité de l’autre, en faveur duquel l’on s’écartait, ou l’on se retirait.
La sexyness ne s’accorde elle non plus pas bien avec la fairness, car elle n’autorise aucune forme de latéralité. De nos jours, il est impossible de faire une expérience du beau qui soit capable d’ébranler la position centrale du sujet. La beauté devient elle-même pornographique voir anesthésique. Elle perd tout sens, toute transcendance, toute valence qui lui permettrait d’aller au-delà du domaine purement esthétique et d’investir la sphère éthique et politique. Entièrement séparée de la faculté de juger éthique et morale, elle s’abandonne à l’immanence de la consommation.

Intéressant de réfléchir en mettant en rapport avec les idées défendues par Geoffroy de Lagasnerie, dans un livre qui vient de sortir (PUF, janvier 2017), Penser dans un monde mauvais. À suivre…

Post-vérité : des aveugles vous énoncent des faits en vous assurant qu’ils crèvent les yeux. Aimé Shaman