Le dialogue de Toulon 2015

Le dialogue de Toulon 2015

La catastrophe écologique, fruit pourri du capitalisme ?

Au deuxième trimestre 2016, les éditions Peuple Libre (Lyon) éditaient un petit livre reprenant les textes des intervenants à une table ronde dont le thème a donné le titre à la publication : La catastrophe écologique, fruit pourri du capitalisme ? (avec une intervention de Olivier Rey [2006 Une folle solitude. Le fantasme de l’homme auto-construit. , 2014 Une question de taille, 2016 Quand le monde s’est fait nombre], – n.p.c . avec Mgr Rey, auteur de la postface.)

Je reprends ici les termes de l’avant-propos : face à un système économique structurellement injuste et dévastateur, qui détruit écosystèmes et communautés humaines, comment chrétiens et écologistes peuvent-ils travailler ensemble ? Pour répondre à cette question, l’Observatoire socio-politique diocésain de Toulon, en partenariat avec la jeune revue Limite, a organisé, le 21 novembre 2015, une journée de réflexion autour de l’écologie, en écho à l’appel de l’encyclique Laudate Si.

Le thème principal était justement la catastrophe écologique. Le lien entre le désastre environnemental et le système économique et politique dominant fut au centre des discussions.

L’encyclique Laudate Si fait du Pape François un « militant » écologiste : il ne cesse de dénoncer « le capital érigé en idole », « l’économie qui tue », ou le « règne de l’argent », ce « fumier du diable ».

L’infaillibilité du Pape lui donne un grand avantage sur les mouvements politiques qui se réclament de l’écologie dans leur étiquette : il n’a pas à perdre son énergie (!) Dans des querelles intestines.

Parasite assumé, retraité de l’histoire économique vivant du “patrimoine des ancêtres“ (voir la citation de Gramsci, dans mon précédent article du 7 avril), je vais citer un extrait de l’intervention de Kevin Victoire, « La croissance économique, fatalité du capitalisme et est ennemi de l’environnement » in La catastrophe écologique, fruit pourri du capitalisme ? (pp. 15-23).

La croissance contre l’environnement
En plus d’être l’exploitation de l’homme par l’argent, le capitalisme est également l’exploitation de la nature par la technique, pour l’argent. Le projet moderne, qui a enfanté ce système économique, a tenté de substituer l’ancienne guerre du « tous contre tous » à la guerre du « tous contre la nature ». La volonté de créer une société rationaliste reposant sur les sciences, le progrès et la technique, a généré un transfert du sacré vers ces derniers. Comme l’explique Francis Bacon, « la science de l’homme » devient alors « la mesure de sa puissance » et doit « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature », selon les mots de René Descartes. D’après Jaques Ellul, ce processus a conduit la technique à se développer « de façon indépendante, en dehors de tout contrôle humain ». « Dans son rêve prométhéen, l’homme moderne croyait pouvoir domestiquer la nature, il n’a fait que créer un environnement artificiel plus contraignant encore. » D’après l’O.N.G. américaine Global Footprint Network, qui a développé le concept d’« empreinte écologique », l’humanité consomme chaque année, depuis 1986, plus de ressources que la terre peut-on fabriquer dans le même laps de temps. Nous puisons ainsi depuis cette date dont les ressources naturelles accumulées par la planète, d’une façon non réversible. Pire, le « jour de dépassement » théorique («Earth Overshoot Day ») – calculé comme la biocapacité divisée par l’empreinte écologique multipliée par 365 – arrive de plus en plus tôt, année après année (13 août en 2015).
La conséquence immédiate est une dégradation du cadre de vie des hommes. Le taux d’urbanisation mondiale atteint août 2007 le seuil des 50 % [chiffre de la banque mondiale], avec toutes les difficultés que cela peut engendrer. Une espèce animale ou végétale disparaît toutes les 20 minutes, soit un total cumulé de 26 280 chaque année [chiffre Union International pour la Conservation de la Nature]. D’après le World Resources Institute, au cours des 30 dernières années, 80 % de la couverture forestière mondiale originelle s’est volatilisée ou a été dégradée. (pp. 20-21).

Je m’arrête là dans l’énoncé des chiffres qui pourraient faire déprimer et j’invite à lire ce petit livre.

Des catholiques en pointe, des candidats « de gauche » à l’élection présidentielle osant parler d’écologie (signes avant-coureurs d’un socialisme qui ne serait plus capitaliste ?), Voilà ce que je veux voir comme des messages d’espoir. Il ne reste plus à régler que le mouvement des ressources des biens et des capitaux sur la planète et à l’harmoniser avec le désir des « populistes * » de ne pas voir des rastaquouères squatter leur pelouse
* Surtout ne pas confondre ces populistes avec les populistes russes dont parle Jean-Claude Michéa (Notre ennemi le capital).

J’ai lu quelque part que « le progrès technique serein n’est possible que s’il s’accompagne d’un progrès moral ». La morale n’étant pas de l’ordre de la technique, nous sommes condamnés à la non sérénité.Aimé Shaman