L’homme, cent quantités !

L’homme, cent quantités !

Pourquoi ce moment où une société veut la peau de l’humanité ?

Bernard Maris, préface au livre de Henri Sztulman, 2008, Psychanalyse et humanisme. Manifeste contre les impostures de la pensée dominante. Toulouse. Librairie Ombres blanches.

Rien ne peut échapper au règne de la quantité magnifiée par les économistes et au cycle production-consommation, au nom de l’efficacité du principe de productivité, ou du perpétuel besoin. Deuxièmement la science est la raison, qui de Copernic à Freud en passant par Darwin on libérait l’homme des terreurs, des mensonges et des dieux, sont désormais commises à servir une autre fable, plus terrible car sans images de père, de créateurs ou de rien : la croissance pour la croissance et l’asservissement aux choses. On trouvera dans ce livre une belle analyse, pesée, mesurer des dérives scientistes de la mesure et de l’hybris de la raison – l’homme neuronal et les sciences cognitives – dans laquelle se situe lumineusement le débat entre psychothérapie et psychanalyse.
La catastrophe épistémologique qu’entraînent les nouvelles nosologies et classifications psychiatriques ne manquera pas d’horrifier le lecteur.

[…]. Beaucoup, notamment des philosophes ont évoqué les noces morbides de la technique et du  » bien-être « , mais peu, sinon les psychanalystes, ont posé la question suivante : pourquoi cette société, dans son expansion et sa fin inextinguible, inconsciemment, veut-elle tuer l’humanité ? […]. « Or il s’agit bien de cela : préserver l’identité de chacun, menacé, que dis-je ?, Altérée et parfois détruite par l’identique. » Cette société qui (je cite encore Henri Sztulman) « réduit l’âme au corps, traite les sujets comme des objets négociables, le désir comme un besoin » nous conduit à l’enfer du patient paramétré, sous perfusion sucrée et permanente du thérapeute faisant cesser le déplaisir ou donnant accès immédiat aux plaisirs. […].

À l’homme nouveau a succédé l’homme étroit, l’homme en deux dimensions, vendre, acheter, l’homme sans qualité et surtout sans imagination ni création, l’homme qui n’est plus la mesure du monde mais sa valeur d’échange.