Liberté – Sécurité – Qui va rester ?

Liberté – Sécurité – Qui va rester ?

Corrida financière et Bull shift           

Ma liberté ne peut s’exercer que dans la prison du temps, et mon temps ne peut exister que dans la liberté que je m’accorde. Cette considération est suffisante comme alibi pour ne pas me laisser emmerder par n’importe qui qui viendrait me demander au parloir.

© Xavier Gorce https://www.lemonde.fr/blog/xaviergorce/2020/04/

Actuellement, beaucoup d’individus viennent discuter sur une période qui prend l’épaisseur d’une ère géologique : « l’après-Corona ». Que restera-t-il de positif après cet événement ? (On sait déjà qu’après les événements importants – Tchernobyl, Fukushima, tsunami, etc. – il reste l’oubli).

N’étant ni devin, ni fonctionnaire d’une religion du Livre, je ne peux rien dire de définitif sinon articuler un espoir.

Le virus aura contraint beaucoup de monde à prendre du temps. Il aura donc démontré dans les faits que beaucoup de choses que nous croyions impossibles étaient possibles.

Bien sûr que beaucoup de personnes auront profité du temps gagné pour « oublier » dans les jeux vidéo et en faisant gagner de l’argent aux actionnaires de Netflix.

Beaucoup auront compris que la majorité des « services » qui nous proposaient de gagner du temps, c’était pour que nous consacrions ce gain de temps aux offres élargies de ces mêmes services.

© Xavier Gorce https://www.lemonde.fr/blog/xaviergorce/2020/02/

Pourquoi cours-tu ainsi ? Nous allons arriver ensemble à la fin de l’année !

Charles, Jules, mon grand-père maternel

Mais certainement qu’un nombre non négligeable auront profité du temps gagné pour prendre du temps pour soi. Ces personnes en auront profité pour réfléchir au sens du travail qu’elles faisaient, constater éventuellement l’absence de sens du travail qu’elles faisaient, au sens qu’elles voulaient donner à leur vie, à la coïncidence ou non de ce sens avec la vie qu’elles menaient.

Si le confinement provoqué par le coronavirus a enclenché ce type de démarche, alors le coronavirus, sans oublier les problèmes individuels qu’il aura pu occasionner, aura eu des effets positifs.

Pour le citoyen européen, de voir les États obligés de réintégrer certaines de leurs responsabilités autres que la perception de l’impôt, lui aura peut-être donné l’idée de reposer certaines exigences démocratiques, quand les dynamiques poussent vers le développement des populismes (il ne faut cependant pas oublier que la pandémie aura favorisé la floraison de complots en tout genre).

Exigences pour une société ayant la possibilité de repousser les logiques libertariennes pour retrouver  les idéaux libertaires qui présidaient aux débuts du numérique.

Il ne faudrait pas que la pandémie serve uniquement à cacher la crise financière qui, de toute façon, se préparait, qu’elle serve uniquement d’alibi à la finance pour dégager ses responsabilités et expliquer la crise de l’économie réelle dans laquelle nous allons rentrer. Que le néolibéralisme ait réussi à détruire en 10 ans ce que le communisme à échouer en 70 ans, ça commence à se dire et, pire, à se répéter.

En même temps, cette crise rendra certainement impossible certaines explications « rationnelles » que la « Science économique » avait l’habitude de nous fournir, clé en main – Je suis décidément d’un optimiste indécrottable !

Moment privilégié pour plus de liberté et de responsabilité individuelle. La responsabilité individuelle, c’est singulier, quand les « responsabilités individuelles » sont surtout évoquées sur le mode pavlovien, pour faire appel à des réflexes consommateurs.

Quels soucis, quelles angoisses, quels emportements, quelles nuits blanches l’adorateur sacrifie-t-il dans le grand temple de la Bourse ! La divinité capricieuse qui réside ici doit être apaisée par d’incessantes offrandes. (Edward Carpenter. Vers une vie simple. L’échappée. 2020)

© Vincent, Journal Vigousse http://www.vigousse.ch/

Est-il possible d’avoir un doute sur le fait que les classes criminelles de notre société contemporaine sont cette horde de spéculateurs à la bourse ? Si être un criminel, c’est être un ennemi de la société, alors ils le sont. Car leur mode de vie est principalement fondé sur l’idée de prendre sans donner, de réclamer sans mériter – tout comme n’importe quel voleur ordinaire. (Edward Carpenter. Vers une vie simple. L’échappée. 2020).

Rêve un peu fou : le coronavirus serait-il l’occasion de rapprocher les humains occidentaux de leurs démocraties et de réussir là où le mouvement des gilets jaunes s’est perdu ? Mais il ne faut pas perdre de vue que les citations de Carpenter et le strip de Vincent peuvent facilement être utilisés par des intérêts démagogiques.

Utopies que celles d’un État garantissant la justice sociale et où les citoyens seraient anarchistes.

Occasion pour rappeler le texte de la première de couverture du livre de David Graeber, Pour une anthropologie anarchiste (2018) : « Ce dont l’anarchisme a besoin, encore plus que d’une métathéorie c’est de ce qu’on pourrait appeler une  » microthéorie  » : une façon d’aborder les questions concrètes et immédiates qui émergent d’un projet de transformation. Les sciences sociales traditionnelles ne nous sont d’aucune aide ici parce qu’elles considèrent généralement ce genre de questions comme relevant de la sphère des politiques d’État et aucun anarchiste qui se respecte devait avoir affaire à cela. »

Non, pas utopies, mais dans l’inventaire des devenirs possibles.

« L’industrie publicitaire n’avait cessé de remplir une double fonction, économique et politique, en faisant appel non pas à l’imagination et aux désirs de tous mais à l’imagination et aux désirs de chacun en tant que personne privée. » (André Gorz. L’immatériel. Connaissance, valeur et capital. 2003:66)

Il s’agit de retrouver l’état dans son rôle, dans sa capacité politique de faire vivre un « Tous ».

(A suivre…)

Qui ne va à la boîte aux lettres ignore ses dettes

Aimé Shaman