Quelques considérations sur la réalité d’une monnaie (1)

Quelques considérations sur la réalité d’une monnaie (1)

Dans un livre trop peu connu, Pierre Sarton du Jonchay, consultant ayant eu une carrière bancaire et financière, expose des idées originales qui tranchent avec la Doxa économique. Cette utopiste furieux propose de réintroduire la négociation des finalités humaines dans toutes les organisations sociales qui produisent la valeur ! ! !
Pour une actualité sur la situation grecque, voir son blog (article du 15 juillet 2015)
La campagne de Grèce est perdue, mais la guerre…

Sarton du Jonchay, Pierre. 2011. Capital, crédit et monnaie dans la mondialisation. Économie de vérité. Paris. L’Harmattan.

Quelques extraits pour donner envie de se pencher sur le livre: Quatrième partie : Régulation de la liquidité mondiale. Chap. XLIX. Valeur universelle, système international de prix.

Crédit par la propriété
L’origination de la valeur est l’engagement de son anticipation sous un certain droit, droit national dans une position créancière, transnational dans une position de dette nette. Le droit formel est matrice d’information de la valeur disponible à l’échange. Il donne une définition politique verbale des limites de la satisfaction qu’une personne retire de l’échange. En l’absence d’objet présent de la valeur accessible aux sens, la valeur financière n’existe pas sans définition verbale de son sens dans une matérialité reconnue par une collectivité de sujets. Le droit procède à la crédibilité de la valeur. Il précède nécessairement la créance de valeur.
L’objet de la valeur ne peut produire de l’utilité personnelle sans définition de ses limites d’appropriation; de son utilisation par la personne individuelle ou collective propriétaire d’un certain objet matériel à l’exclusion de toute autre. […] L’expression du droit est historique¬ment nationale matérialisée dans une solidarité du comptage de la valeur. L’unité et les limites de la monnaie matérialisent l’unité et les limites de l’État de droit.
L’unicité de la monnaie est argument de constitution d’une société politique par une même conception de la propriété (je souligne). Tant que le monde est cloisonné, les sociétés constituent des Etats nationaux réunis autour d’une même monnaie. Dès que la valeur commence à circuler entre sociétés politiques distinctes par leur Droit, les monnaies mélangent les formes de droit. […]
Les dettes financières internationales transportent la propriété dans le temps et les nationalités en minimisant les déplacements physiques des sujets et de leurs objets. Les échanges physiques ne sont plus par le bancor une raison suffisante de s’imposer la même monnaie, ni le même Droit par la même monnaie. La restauration d’une possibilité objective de gouvernance de la monnaie sur sa gérance centrale remet l’accent sur la cohérence du gouvernement politique (je souligne). Une même conception de la propriété des objets physiques par ses sujets de droit, du partage de la valeur par le marché politique du droit et de la justice redevient le seul motif de se constituer en nationalité distincte des autres. (p. 534)

La monnaie sans béquille métallique
L’abandon définitif de tout objet physique comme étalon de la valeur humaine origine la liquidité internationale du crédit. Depuis la Première Guerre Mondiale et les énormes anticipations de valeur mobilisées au financement du conflit, une double origination de la monnaie s’était imposée par le crédit et par l’or. La réalité économique écartelée entre deux définitions quantitativement incompatibles de la valeur provoqua la grande dépression d’instabilité monétaire et financière de l’Entre-deux-guerres. La réalité de l’or matériellement disponible n’était pas compatible avec son utilisation formelle. L’instabilité nominale de la monnaie équivoque entre sa matière et sa forme a été bridée après la Deuxième guerre mondiale par l’administration autoritaire du prix de l’or. La croissance des dettes internationales plus rapide que la croissance économique, et de l’économie plus rapide que la production d’or a finalement contraint les États-Unis à abandonner toute référence monétaire non réaliste à un prix d’un quelconque objet physique précieux (je souligne).
Depuis août 1971, la propriété de la mesure internationale détachée de toute utilité physique passe par le choix d’un droit national et d’un dépositaire disposant de crédit dans ce droit. La puissance réelle de l’État de droit étatsunien a soutenu la domination internationale de son crédit; puissance réelle du contrat social étatsunien fondé sur l’autonomie de la personne; d’une large société politique mue par l’esprit d’entreprise et l’effort de réussite individuelle. La régulation du dollar a synthétisé le droit étatsunien dans une matière économique en circulation mondiale. Les principes intériorisés par le citoyen étatsunien se sont appliqués à des cultures de valeur nationale qui ne les partagent pas identiquement. L’origination de la valeur en dollar a de ce fait échappé à ses utilisateurs faute d’obligations de valeur identiquement interprétées par les acteurs de mêmes procès d’anticipation internationaux.
L’utilisation internationale du dollar repose sur la certitude présumée de sa valeur (je souligne). Mais la masse monétaire en dollar dispersée dans le monde échappe à toute mesure unifiée et à toute comparaison de sa quantité à la réalité de la liquidité qu’elle représente. La Loi étatsunienne attribue au Système Fédéral de Réserve d’assurer tout paiement en dernier ressort par un transfert de propriété entre deux de ses déposants d’intermédiation bancaire. Cette obligation légale est le motif du con¬trôle systémique étasunien exercé directement ou indirectement sur tout déposant en dollar (je souligne). Mais la domiciliation de dépôts en dollars hors de l’espace de juridiction étatsunien soustrait leur contre-réalité au contrôle de tout intérêt public. II n’existe pas de marché où toute l’offre et toute la demande réelles de dollar se confrontent pour vérifier que tout objet vendu pour une certaine quantité est bien acheté dans la même quantité. Les opérateurs bancaires en dollar n’ont pas à prouver concrè¬tement leur solvabilité en dehors des comptes qu’ils publient sur des prix financiers (je souligne) non originés dans une réalité marchande régulée par la Loi des États-Unis. (pp. 534-5).

Si l’on s’en tient à ses considérations, on peut s’interroger sur la réalité actuelle de l’Europe, la valeur réelle de l’euro, etc. Où sont les rêves politiques ? Charles de Gaulle dirait-il aujourd’hui que Laurent est devenu un « machin » ? Etc.

Ceux qui prétendent que l’argent n’a pas d’odeur prennent des hommes de pailles et changent les litières..Aimé Shaman