Philippe Muray Ultima Necat I. Journal intime 1978 – 1985.

24 novembre. Les petites histoires qui faisaient les romans sont mortes. Date de leur mort : les récits de rêves de Freud. Même ennui dans ces récits de rêves que dans les détails des anecdotes romanesques. Ce n’est pas seulement le sens et la dynamique du rêve que Freud a dégagés au tout début de ce siècle ; c’est aussi l’inanité profonde de tout récit. Sa gratuité absolue, accablante, inscrite au flanc des hommes. Le roman commence avec les quatre Evangiles et se termine avec la Traum. Freud a montré à quel point les rêves sont illisibles (au sens où les crétins disent aujourd’hui qu’un texte moderne est illisible). Il l’a montré en les déchiffrant. Depuis, tout le monde raconte ses rêves, plus personne n’écrit de romans. (pp- 63-64).

L’auteur a rajouté une note 10 ans plus tard (1989) où il dit ne plus être « du tout d’accord avec cette analyse. » Et il ajoute « D’ailleurs, personne ne raconte plus ses rêves, et tout le monde s’est remis à écrire des romans ».

Effectivement, la psychanalyse est devenue ringarde : pourquoi essayer de comprendre, dans une analyse au long cours, ce qui fonde la négativité du Tu dois quand le cognitivo-comportementalisme nous propose des méthodes qui viennent renforcer l’illusion du Tu peux !

Et certains, nombreux, de donner vie à cette illusion en commettant des romans…

Si tu me payes bien, Lucky Luke, tu pourras plus vite que ton ombre !.Aimé Shaman