Senza vergogna

Hermès, dieu des commerçants et des voleurs

En 2006, dans le cadre d’un travail demandé (sur l’enchantement et le désenchantement en économie – c’était la mode à l’époque), j’ai commencé à m’intéresser plus particulièrement au numérique et aux activités des firmes qui prennent le prétexte des technologies qui s’en réclament pour entonner des refrains aux accents messianique.

Pour moi, l’engagement contre les GAFA (liste non fermée englobant UBER, Microsoft,…) est un engagement politique (qui ne concerne donc pas LA…). Demander de souscrire à MON politique, ne serait-ce pas faire de LA politique, senza vergogna?

Les choses ont bien changé depuis Monsieur de La Boétie, et si l’état de servitude volontaire demeure identique à celui du XVe siècle, il s’y est ajouté un état que j’appelle de « schizoïdie fonctionnelle ».

Étant dans le système économique et profitant du numéraire qu’il me procurait, je profitais des réseaux que je critiquais et j’utilisais les services que je dénonçais.

Aujourd’hui, je ne dépends plus « directement » du système économique : j’ai donc pu me retirer de tous les réseaux sociaux, je n’utilise plus « directement » Google,…

Mais la schizoïdie demeure puisque le numéraire que je reçois de l’économie dépend du système économique que je dénonce. La vita è bella !

Le néolibéralisme réclame cette absence de vergogne, y compris de la part de ceux qui le dénoncent et s’y opposent pour « fonctionner ». Il réclame un hyperréalisme des chiffres et des nombres pour fonder sa « raison », dans l’exploitation que permet la technologie numérique.

Cardon. Le Canard Enchaîné. 2005.11.23

La quantophrénie, c’est le Kyrie eleison, à la grand-messe de l’église économique orthodoxe.                             

Aimé Shaman