Show du vent !

CDO et Débats

Égoïsme, nm. : Philanthropie ostensiblement sélective. Stéphane

Legrand. Le dictionnaire du pire.

Gaël Giraud, comme Paul Jorion, a travaillé un moment de sa vie dans le « ventre de la bête) ou, si l’on est croyant, dans le « Saint des Saints ». Ce qui rend ses analyses particulièrement pertinentes, comme celles de Paul Jorion. On verra d’ailleurs que, souvent, les morceaux choisis se renvoient les uns aux autres, confirmant et enrichissant l’analyse.

Comme d’habitude : : entre ( ), les nos de pages de l’ouvrage, et [ ], mes commentaires et réflexions. Pour mieux distinguer ces derniers, les caractères sont de couleurs différentes. Les notes et références internes aux textes originaux, sauf mention, ne sont pas prises en compte.

Giraud, Gaël. 2012. Illusion financière. Des Subprimes à la transition écologique.

Le crédit Subprime. Un vendeur va voir un ménage en lui expliquant : « Pour l’instant, vous n’êtes pas propriétaire, mais vous pouvez acheter votre maison, on vous prête quasiment la totalité du capital. Dans trois ans, il faudra que vous commenciez à rembourser votre prêt, mais ce ne sera pas douloureux : votre maison vaudra beaucoup plus, on fera un deuxième prêt pour vous permettre de rembourser le premier, gagé sur votre maison, laquelle aura entre-temps pris de la valeur. Vous allez donc pouvoir payer continuellement vos dettes, grâce à l’augmentation indéfinie de la valeur de votre maison. » (8).

[Cette explication très claire de la logique de vente des subprimes devrait nous aider à comprendre que le système économique actuel, qui repose sur la finance et la bourse, sur la rémunération du capital et non du travail, n’est pas du domaine de la rationalité qu’il se plaît à présenter, mais se situe au plan des pathologies psychiatriques. À quand une place pour ce type de fantasmes dans le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders – Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux).]

J’appelle moralité le désir de faire du bien qui tire son origine de ce que nous vivons sous la conduite de la raison.

Spinoza

Sur une planète Terre sans limite – puisque l’univers, à commencer par Mars, est ouvert à notre boulimie – il est de notoriété publique que les arbres poussent jusqu’au ciel – et peut-être même plus loin. Ça, nous le verrons quand nous y serons ! The show Musk go on !!! En 1953 les Américains Frederik Pohl et Cyril M. Kornbluth écrivaient un roman qu’ils pensaient de science-fiction, The Space Merchants, traduit en français sous le titre Planète à gogos. La lecture en est conseillée, pour toute personne qui voudrait banaliser la dangerosité de la Covid 19.]

Voilà tout d’un coup, en 2007, trois millions de ménages américains, pauvres, surendettés, qui se retrouvent à devoir payer des dettes colossales : le mental total de la dette accumulée par les ménages américains est de 2500 milliards de dollars – env. le produit intérieur brut (PIB) français. (12).

Tout bien pesé, il se pourrait que l’urgence que constitue une recapitalisation durable du secteur bancaire européen ne soit même pas prioritaire : la priorité absolue pour nos économies consiste à trouver les moyens de faire tourner une machine économique qui promet d’être déflationniste pendant des décennies – ce qui veut dire davantage de chômage et de précarité. (13).

[Existe-t-il un moyen pour que la casse des années 2007-2008 constitue une expérience, une douzaine d’années plus tard, en sachant que, dans notre système économique, des bulles éclatent tous les 10-15 ans ?]

© Chapatte. Le Temps. 2008.02.
Quid novi sub sole? comme disait le père de l’empereur Vespasien, banquier à Genève.

Chapitre 1. La « société de propriétaires », un idéal messianique ?

Une pyramide de Ponzi consiste à rémunérer les investissements effectués par des clients au moyen des fonds procurés par les nouveaux entrants. […] Dans le cas des crédits subprime, le mécanisme est un peu plus subtil puisque les nouveaux entrants sont ceux qui, en achetant des biens immobiliers en dépit de la hausse de leur prix, font augmenter la valeur générale du collatéral (c’est-à-dire de la garantie) sur lequel sont adossés les prêts subprime. (17).

Il s’agit d’une opération grâce à laquelle vous transformez une créance que vous détenez en un actif financier que vous pouvez échanger sur un marché.

[Je renvoie aux billets précédents consacrés au livre de Jorion, à la création de monnaie ex nihilo, entre autres.]

Les maillons de la chaîne n’eussent-ils pas dû s’interroger sur la fiabilité de la créance qu’ils achetaient ? C’est ici que les agences de notation interviennent : en accordant des AAA sans sourciller à ces produits pourtant fort suspects, elles ont largement contribué à anesthésier la vigilance des opérateurs financiers. (20).

[Comme nous pouvons le constater, sur le plan de la santé, avec les études médicales, les revues et les laboratoires pharmaceutiques, la corruption est systémique et, donc, à la limite, sans volonté de corrompre ou d’être corrompu. Voir la notion de « coupable sans faute » énoncée par Gunter Anders : « Dans ma correspondance avec le pilote d’Hiroshima, Eatherly, j’ai forgé le concept de « coupable sans faute » [schuldlos Schuldigen]. Je ne prétends donc pas que l’ “homme“ soit aujourd’hui plus mauvais, mais je dis que ses actions, à cause de l’énormité des outils dont il dispose, sont devenues énormes. » (1979. Et si je suis désespéré, que voulez-vous que j’y fasse ?]  

Un second procédé est venu à son tour, complexifier le phénomène : le tranching – qu’on pourrait traduire par « le procédé du mille-feuille ». […] Comme dans tout mille-feuille, la surface est délicieusement sucrée : ce sont les créances les plus sûres (les tranches dites senior). Au milieu, c’est déjà moins tendre (ce sont les tranches mezzanine) et, au-dessous, je place cette créance douteuse (parmi les tranches equity). Ces mille-feuilles ont reçu le nom de CDO : Collateralized Debt Obligation.

[Autre image : pour faire une andouillette triple A, on prend un peu de triperie premier choix qu’on mélange avec du deuxième choix, puis du troisième choix, enfin, pourquoi pas, on termine avec de la gorge de porc carrément avariée. On vous vendra naturellement le tout au prix de l’andouillette triple A, et pas au prix de la viande avariée.]

[…] En 2006, le montant des émissions de CDO a atteint 470 milliards de dollars dans le monde. En 2007, le marché des CDO représentait 2500 milliards de dollars, […]. Entre-temps étaient apparus des CDO au carré (c’est-à-dire des mille-feuilles de millefeuilles). Au début de l’année 2007, certains financiers envisageaient même de créer des CDO au cube… heureusement, la crise les en a dissuadés. (20-21).

Le développement industriel des procédés de tranching au début des années 2000 n’est pas étranger à la hausse du prix de l’immobilier américain. En effet, il est facile de comprendre que la possibilité de collatéraliser un prêt par une maison fait mécaniquement augmenter la valeur du collatéral : en plus de sa valeur intrinsèque, cette maison représente désormais la possibilité d’accéder à un crédit. (23).

La titrisation a joué un rôle majeur dans la déresponsabilisation des institutions autorisées à accorder des crédits. Elle a transformé le métier de banquier de « gestionnaire avisé du risque » en « chasseur de (sub)primes ». (25).

[Ici encore, nous avons un magnifique exemple de la corruption systémique, où tout le monde participe, et où personne n’est responsable. Pour enfler un peu le propos : pendant la deuxième guerre mondiale, des bons pères de famille allemands travaillaient dans des camps, faisant leur travail de manière consciencieuse.]

De manière plus profonde, on peut comprendre l’effet pervers de la titrisation comme le résultat d’une opération qui a finalement consisté à transformer la relation de confiance entre un créancier et son débiteur en un bien de propriété privée : en revendant sur un marché le titre de créance, le créancier ne vend rien d’autre que la promesse qui le lie à son débiteur. […] La titrisation consiste à métamorphoser le crédit, et la confiance qui l’accompagne, en une marchandise. (26).

C’est alors l’aspiration à la vérité elle-même qui est remise en cause : plus personne n’a la moindre raison de faire confiance à son interlocuteur. La parole devient elle-même impossible. In fine, c’est le lien social lui-même qui s’en trouve menacer. (27).

Un jour, aujourd’hui, demain, plus tard… Nous abolirons l’argent.

Elisée Reclus

[Voir la relation que je fais, dans mon billet du 14 juin, du petit conte que relate Jorion en appendice de son livre. C’est la confiance qui fonde la « valeur » de la monnaie, dans l’échange. Hors de cette relation de confiance, aucune réalité. En même temps, le petit conte nous prouve qu’il est très facile d’effacer une dette. Voulons-nous continuer encore longtemps à rémunérer plus les acrobaties financières que permettent les algorithmes, dans l’utilisation de robots ? Ou voulons-nous rémunérer le travail ? La pandémie a donné, je pense, une réponse claire à ces questions.]

En 2007, le candidat Nicolas Sarkozy, sans doute impressionné par l’apparente réussite des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Espagne, fut tenté de développer le crédit hypothécaire en France en levant les règles prudentielles aujourd’hui encore en vigueur, qui encadre l’octroi de crédit. Ainsi déclaré qu’il dans la Revue Banque en avril 2007 : « Les ménages français sont aujourd’hui les moins endettés d’Europe. Or une économie qui ne s’endette pas suffisamment, c’est une économie qui ne croit pas en l’avenir, qui doute de ses atouts, qui a peur du lendemain. […] » (30).

Note 16, page 32 : le crédit rechargeable, rendu légal par une ordonnance de mars 2006 en dépit de l’hostilité des associations de défenses des consommateurs, autorisant ménages ayant remboursé une dette hypothécaire a contracté un nouvel emprunt gagé sur la partie remboursée. BNP a développé ce type de crédit sans grand succès en France.

[Pardon de revenir encore sur ce que j’écrivais dans mon pamphlet, en 2014 :

« Ah ! Insoutenable volatilité des essences économiques… Comment prévoir le manque de citoyenneté de consommateurs maniant un principe de précaution surannée : l’épargne ! En 1991, Antoine Brunet, directeur au Crédit Lyonnais déclaré dans Le Nouveau Quotidien : « L’insuffisance de l’épargne est indispensable à la croissance ». Croissance de qui ? De quoi ? Pour qui ? Pour quoi ? Pourquoi ? » (Delaleu, 2014:15).]

© Xavier Gorce

Nous n’avons tiré aucun enseignement des événements de 2007-2008, même si on nous a « vendu » Bâle III et le renforcement des crashs tests imposés aux banques. Les banquiers restent « prisonniers » (consentants peut-être, mais prisonniers) de la finance, la finance contrainte d’énoncer des certitudes, mais otage des mathématiciens et des physiciens, des algorithmes, des robots, de la vitesse des microprocesseurs, etc. mais vivant dans la peur de la panique et de la perte de confiance. Retour au conseil d’Éric Cantona qui nous conseillait de retirer notre argent des banques (Jorion, 2017:XIV).

(À suivre…)

Quand les chemins pédestres suivent les voies ferrées, le peuple est sur les rails.

Aimé Shaman