De la démocratie en numérique

De la démocratie en numérique

Des cliques et des cracks            

L’écologie, aujourd’hui, c’est quand la mairie décide du nombre des arbres, après que la bureaucratie d’au-dessus aura fixé les surfaces de compensation pour la survie du glouglouteur musqué

Dans mon papier De la Démocratie en numérique, je défends l’idée d’une impossibilité de cohabitation, aujourd’hui, entre Démocratie et technologies numériques. Lisant actuellement L’Économie symbiotique. Régénérer la planète, l’économie et la société, de Isabelle Delannoy, je présenterais peut-être les arguments autrement.

D’autant que, à côté du livre, le développement du mouvement des « Gilets jaunes » appelle certaines remarques.

Indépendamment de la Constitution de la Ve République, laquelle fonde un pouvoir vertical, des députés sont élus, pouvoir législatif de la France face à son exécutif.

Élus députés de la France, dans une circonscription géographique précise, les députés ne représentent pas cette circonscription, mais participent à la gestion de cette France.

Or, dans les faits, les députés s’occupent surtout des habitants et élus de leur circonscription, dans le but de se faire réélire (préoccupation très court-terme). Il est loin le temps où Edgar Faure avait fait refaire les cartes de visite de Jean-Jacques Servan-Schreiber qui mentionnait, je crois « Député de la quatrième circonscription de Nancy ».

Ceux qui sont censés s’occuper des territoires, et qui justifient leur existence avec cet argument, sont les sénateurs.

Paradoxe : les députés qui ne s’occupent que de leurs électeurs sont incapables de relayer ce qu’ils vivent, à la chambre des députés. Ils nous invitent en permanence à « aller voir dehors si j’y suis » et effectivement, ils y sont.

À Paris, les « Autorités » (gouvernement, députés, etc.), pour donner le change et produire l’impression qu’elles savent de quoi elles parlent, truffent leurs interventions et discours de « les gens », « le peuple », etc.

Dans la réalité, des gens – forts divers au demeurant, ce qui angoisse « le » politique  – composent « le Peuple » – si le point commun de se sentir non-représenté, incompris, méprisé, etc. que créer un sentiment d’unité.

Le Peuple punit le politique en s’abstenant d’aller voter. Il semble également punir tous les organismes et professions qui parlent au nom d’un « Centre » qui, « Centre » s’autorise à parler de sa « Périphérie ». (Il faudrait chercher là, peut-être, une explication à ce « syndrome Bastille », cette « ritournelle » à vouloir entrer à l’Élysée).

À ce stade, les gens qui n’étaient pas écoutés, et qui sont censés former « Le Peuple » – et qu’on ne cerne pas, tant sont diverses ces revendications – utilise les nouvelles technologies pour vivre une « Démocratie Facebook ».

Moi, qui ne pouvais me faire entendre, qui était rejeté à la périphérie, je peux me faire entendre et, fugitivement, exister. On me compte en nombre de vues, en Like, en followers, et que sais-je encore. Je fournis à certains ratés du centre le sentiment d’exister en s’autorisant de parler au nom de la périphérie (non, Monsieur Dupont-Aignan, vous n’êtes pas le seul). Combien de temps avant la grande récupération ?

Ou avant une grande chose ! La France est un pays irréformable qui a besoin de révolution pour changer (comme disait je ne sais plus lequel ou laquelle).

Ce qui semble certain, c’est que, loin de la théorie fumeuse du ruissellement, c’est désormais aux écarts de revenus qu’il va falloir s’attaquer. Et à ce niveau, l’existence ou non de l’ISF semble anecdotique. Et si Coca-Cola et le Père Noël n’avaient pas raison des gilets jaunes ? Et si, sur les nombreux ronds-points de France et de Navarre, symboles de l’efficacité des députés dans leur circonscription, naissaient des « Nuit debout » ? Symbole fort en vérité que la transformation de ces ronds-points en autant de Place de la Bastille, pour des Nuits debout, à la périphérie.

La fonction des formulaires est de rendre indispensable la fonction des fonctionnaires qui les rédigent. Echos logiques !

Aimé Shaman