Quién hace de piedras pan, Sin ser el Dios verdadero ?

Quién hace de piedras pan, Sin ser el Dios verdadero ?

El Dinero !*.     (Paco Ibañez chante Francisco de Quevedo)

*Trad. (très) libre : Qui transmute la pierre en pain, sans être Dieu® / L’argent. Texte complet et traduction (pas très bonne, de mon point de vue).

Démocratie, nf. : Système politique dans lequel le peuple dispose de l’intégralité du pouvoir pour autant qu’il se soumet aux exigences de ceux qui le détiennent. Se dit également d’un régime politique dans lequel chaque individu se voir reconnaître un droit imprescriptible à l’obtention de ce qui lui est objectivement inaccessible et ne peut pas se voir interdire ce qui lui est manifestement impossible d’avoir.

Stéphane Legrand. Le dictionnaire du pire.

Je m’aperçois que si je continue au même rythme que celui pris avec ce premier livre de Jorion, je ne pourrai pas exposer les autres ouvrages qui me tiennent à cœur et qui forment, avec celui-ci, un ensemble capable de fournir un point de vue – des points de… – « originaux » sur ce que nous vivons, donc de générer des « solutions originales ». Aussi vais-je prendre le parti de citations brèves pour mes remarques et commentaires, ce qui exigera plus d’échanges « en bilatéral », entre nous. En espérant que prendre les chemins de traverse ne gâche pas le plaisir de la promenade.


Je choisis d’aborder certains aspects de l’« emploi de l’argent » par le livre de Gaël Giraud, L’illusion financière et avec des références à un autre livre de Paul Jorion, Misère de la pensée économique.

Comme désormais habituel : entre ( ), les nos de pages de l’ouvrage, et [ ], mes commentaires et réflexions. Pour mieux distinguer ces derniers, les caractères sont de couleurs différentes. Les notes et références internes aux textes originaux, sauf mention, ne sont pas prises en compte.

Paul Jorion, 2017. L’argent, mode d’emploi. Paris. Arthème Fayard.

Le crédit à la consommation. Le crédit à la consommation constitue un dévoiement du crédit à la production qu’il a précédée historiquement, et se pose la question de savoir si la logique qui règle ce dernier aurait jamais dû s’appliquer au premier. Ma réponse est « non », comme on l’aura deviné, et je rejoins ici les vues qui ont été celle du premier christianisme et de l’islam, et que l’on trouve, on le verra, déjà exprimées sous une forme embryonnaire chez Aristote. (104).
La distinction entre crédit à la production et crédit à la consommation est cependant essentiel : ce dernier n’aurait jamais dû s’être ; il a été engendré par l’histoire de nos sociétés dont la richesse a été confisquée dès l’origine par les guerriers, puis par ceux qui ont pris leur place lorsqu’il s’est avéré que l’argent accumulé conférait des pouvoirs aussi grands que ceux qui, au début, découlait uniquement du recours à la force : celui de subordonner le temps des autres au sien propre. Le fait que l’on parlait autrefois, pour les intérêts réclamés dans le crédit à la consommation, d’« usure » plutôt que d’intérêts se fondaient sur cette observation qu’une logique réglant la production avait été transposée abusivement au lieu où elle avait sa place vers un autre, la consommation, où elle pallie simplement la distribution hétérogène de l’argent au sein des populations. (104-105).

[Les lois interdisant la spéculation ont été en vigueur jusqu’à la fin du XIXe siècle et c’est leur abrogation qui a, pour une part, permis le développement des crédits à la consommation. Au début du XXe siècle, ces lois condamnant l’usure ont été abrogées, permettant d’accélérer le développement du crédit à la consommation, c’est-à-dire la transformation du citoyen en consommateur. Quand je désire un bien et que je n’ai pas le capital à disposition, je prends un crédit. Le crédit à la production est une avance sur recettes, un investissement, quand le crédit à la consommation est une « fabrication de dette » : je produis une dette que je devrai rembourse avec mes gains à venir.
En faisant passer les désirs pour des besoins, – en invoquant l’inéluctabilité de la croissance – le marketing est élément moteur d’un système qui ne peut marcher que sur de la production de dette. Depuis l’oubli de la « conservation des quantités », le système vit l’illusion de sa permanence dans l’éclatement de bulles. Aujourd’hui, la crise sanitaire de LA Covid 19 – féminin qui indique un sursaut de l’Académie française – est là pour masquer l’éclatement d’une bulle financière. En effet, la finance pourra mettre sur le compte d’un virus les dommages à l’économie réelle provoqués par la finance-ce casino et ses robots traders – voir, entre autres, le livre de Gaël Giraud.
Il nous faut arrêter de nous plaindre de la dette, laquelle est responsable, pour une grande part, du niveau de nos retraites. Celles et ceux qui devront s’en préoccuper, ce sont nos enfants. Ils sont en effet condamnés à la porter ou à inventer une transition vers un système économique qui permet de l’effacer. Je me réjouis de lire le livre de David Graeber, Dette. 5000 ans d’histoire, que je ne connais pas encore. Mais dès le chapitre 1, L’expérience de la confusion morale, il semble faire vraiment œuvre d’anthropologue.]

Mais cette petite phrase a continué à raisonner plusieurs jours dans ma tête. « Il est clair qu’on doit toujours payer ses dettes. » On voit bien ce qui fait sa force : ce n’est pas vraiment un énoncé économique, c’est un énoncé moral.

David Graeber. Dette. 5000 ans d’histoire. 2013:10.
© Chapatte, Le Temps

L’argent qui rapporte.
1) Dans le cadre des crédits à la production, le montant du prêt joue le rôle d’avances et permet de créer un surplus ; […] dans ce cadre des prêts à la production, le versement d’intérêts apparaît donc […] entièrement justifié ;
2) Dans le cas des prêts à la consommation, le montant du prêt sert à acheter un objet ; or il n’existe qu’une relation très lointaine entre l’objet acheté et les intérêts qu’il faudra verser, et l’emprunteur devra donc ponctionner son salaire ; dans ce cadre des prêts à la consommation, versement d’intérêts est problématique, et lorsque le prêt se contente de suppléer un salaire insuffisant, les intérêts à verser sont manifestement iniques. (107).
Il n’en demeure pas moins que les intérêts sont des commissions à régler en raison du fait que les fonds ne se trouvent pas au bon endroit – […]. […], Celui qui l’amène au bon endroit fait payer sa participation en invoquant le fait qu’il en est, après tout, le propriétaire.
Il y a aussi que plus l’allocation des fonds est hétérogène au départ, autrement dit plus il y a concentration des capitaux, plus il y aura d’intérêts à verser soit pour la production, soit pour la consommation, et plus aussi le prix final des choses aura gonflé, car il contiendra une part toujours plus grande intérêts.

[Pourquoi, partant d’un système qui dysfonctionne, n’arrivons-nous pas à nous mettre d’accord sur le langage à clarifier et les essais à tenter pour mettre en place un système qui ne fasse pas que dupliquer sans cesse les mêmes problèmes ? Vaste question, insoluble, car les causes sont multiples. Cependant, on pourrait suggérer que les Écoles de commerce ne s’arrêtent pas à la comptabilité « double entrée », où l’équilibre formel au bilan donne l’illusion d’une réalité de la conservation des quantités.]

© Chapatte, Le Temps. 2008.01.29

L’intérêt selon Keynes.
Dans sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936), John Maynard Keynes a proposé, lui, une interprétation de l’intérêt en termes de préférence pour la liquidité. (109).
L’explication des intérêts par la préférence pour la liquidité, mettant l’accent sur le risque de contrepartie, sur le risque de non-remboursement, trouve manifestement sa source dans le cas du crédit à la consommation plutôt que dans celui du crédit à la production. (110).
Assimiler purement et simplement les intérêts à prime de risque, comme le fait Keynes, revient à ne traiter que d’une seule dimension de la question – celle qui domine dans le crédit à la consommation –, alors que le principe de partage du surplus, centrale dans le crédit à la production, et, lui, entièrement ignoré. À l’inverse, se contenter d’affirmer que les intérêts résultent d’un partage du surplus est également insuffisant, puisque l’on se contente de mentionner le « pourquoi » sans déterminer le « comment ». (111).
[…]. Une théorie complète du mécanisme préside aux intérêts combinera donc les éléments qui ont été observés dans les deux cas du crédit à la production et du crédit à la consommation. (112).

[Comme on le voit, la théorie de l’intérêt selon Keynes est en ligne avec l’époque où elle a été produite : c’est le moment où les citoyens accèdent à la consommation. Mais aujourd’hui, même si certains continuent de croire à la possibilité d’une croissance illimitée dans un monde limité, l’opinion « raisonnable » misera plutôt sur la durabilité. Il s’agit de revenir à l’économie réelle et faire redécouvrir aux banquiers leur métier réel : évaluer des risques pour accorder des crédits à la production.]

(A suivre…)

Dans une société de la marchandisation, les rêves ne correspondront plus qu’à des besoins induits. Le marketing nous invite à aller « au bout de nos rêves », c’est-à-dire à consommer le produit qu’on l’a chargé de faire acheter. Le rêve, manifestation d’un processus interne, s’est retrouvé concrétisation d’une intention externe.

Aimé Shaman