Y a plus de sous papa, y a plus de sous maman (air connu)

Y a plus de sous papa, y a plus de sous maman (air connu)

Les sous qu’on a c’est des sous mais ça n’est plus de l’argent

Y a plus de sous papa, y a plus de sous maman / Un sou ça n’est plus un sou comme on disait dans le temps / Y a plus de sous papa, y a plus de sous maman / Les sous qu’on a c’est des sous, mais ça n’est plus de l’argent. Ricet Barrier

Le premier livre de Paul Jorion, que je veux présenter, c’est L’argent, mode d’emploi est paru en 2009. L’édition utilisée est celle parue en poche (Pluriel), en 2017, avec une préface inédite. Et je n’arrive pas à me décider quant à une option à choisir, pour cette présentation. El camino que se hace al andar… (Pdf Antonio Machado )

Je pensais ne consacrer qu’un billet à ce livre. Maintenant, je ne fixe plus rien… C’est un risque avec cet auteur, anthropologue de formation ayant travaillé pendant presque 20 ans dans la finance, aux États-Unis : il ouvre tellement de fenêtres que ça fait claquer beaucoup de portes. Alors… acceptons les suites d’une « observation participante » conséquente. Le Monsieur connaît donc la réalité de terrain du sujet dont il parle.

Pour l’individu très pressé, la lecture de la seule préface pourrait suffire à développer une « paranoïa » salutaire pour 1) rendre plus précis nos propos quand nous convoquons certains termes dans notre discours et, 2) conséquences de 1, c’est être les complices – pour ne pas dire « les principaux responsables » – de notre « aliénation ».

Je vais donc procéder un peu différemment que dans mes précédents billets. Pour des longs extraits, je garderai le principe de mes commentaires entre []. Sinon, pour ses commentaires personnels, je resterai avec la méthode d’une couleur différente de police. Pour ce qui est du livre de Paul Jorion, je reste avec les numéros de page ().

Quand les mouettes suivent le chalutier, c’est parce qu’elles pensent qu’on va leur jeter des sardines.

Eric Cantona

Paul Jorion, 2017. L’argent, mode d’emploi. Paris. Arthème Fayard.

Dès le début de sa préface à l’édition de poche, Jorion prévient : « La mécanique de l’argent est extrêmement complexe et le nombre de personnes qui peuvent vous expliquer comment fonctionne une monnaie est désespérément réduit. » (XII). Et les remarques qui suivent nous avertissent que ce système est non seulement complexe, mais qu’il faudra faire attention à ceux qui utilisent cette complexité pour nous enfumer. Par exemple :

Connaissez-vous le cash swap qui permet à deux firmes d’échanger la même somme de la même monnaie (oui, vous avez bien lu !) ? Quel intérêt, me direz-vous, puisqu’en réalité rien ne se passe ? Eh bien, chacune des firmes mentionnera dans ses livres comptables les deux sommes identiques, celle qui est la « donnée » et celle qui est la « reçue », de manière à en obtenir un avantage fiscal. (XIII)

Et Jorion d’introduire immédiatement une notion centrale celle de « conservation des quantités ». S’il ne fallait retenir qu’une chose de ce livre, je pense que ce serait celle-ci

Une inscription comptable est censée rendre compte d’une opération financière effective, si ce n’est pas le cas, il s’agit d’un « faux en écriture » débouchant éventuellement sur une peine de prison. Voilà qui décourageraient suffisamment sans doute nos créateurs de monnaie ex nihilo ! (XIII).

Nous comprenons également rapidement qu’il va s’agir de nous arranger avec ce que nous pensons être prendre, et d’oublier rapidement certaines valeurs qui faisaient la fierté de l’éducation que nous transmettaient nos parents.

Pas besoin d’évoquer le complot pour comprendre l’intérêt des banquiers à laisser courir l’idée de « créateur de monnaie ex nihilo ».

La raison des banquiers, c’est Éric Cantona qui la révéla un jour en 2010 en déclarant que pour faire la révolution de nos jours il n’était même plus nécessaire de sortir de chez soi : il suffisait de retirer l’argent que l’on avait en banque. […] Deux ministres sortant la grosse artillerie pour contredire l’opinion en matière de finance… d’un footballeur ? Il fallait vraiment que celui-ci est touché une corde sensible ! (XIV).

Laisser courir le bruit que les banques peuvent créer de l’argent à la demande quand elles en manquent, c’est le bobard le plus utile qui soit du point de vue des banquiers. (XV).

Inspiré par les aphorismes du footballeur, je vais, comme les mouettes, suivre le chalutier Jorion, certains de pouvoir obtenir quelque nourriture. Avec cette analogie et en pensant au sujet d’un livre de Paul Jorion*, je suis certain de ne pas manquer d’oméga 3 ! (* Les pêcheurs de l’île de Houat : anthropologie économique, 1983).

Une inscription comptable est censée rendre compte d’une opération financière effective, si ce n’est pas le cas, il s’agit d’un « faux en écriture » débouchant éventuellement sur une peine de prison. Voilà qui décourageraient suffisamment sans doute nos créateurs de monnaie ex nihilo ! (XIII).

Nous comprenons également rapidement qu’il va s’agir de nous arranger avec ce que nous pensons être prendre, et d’oublier rapidement certaines valeurs qui faisaient la fierté de l’éducation que nous transmettaient nos parents.

Pas besoin d’évoquer le complot pour comprendre l’intérêt des banquiers à laisser courir l’idée de « créateur de monnaie ex nihilo ».

La raison des banquiers, c’est Éric Cantona qui la révéla un jour en 2010 en déclarant que pour faire la révolution de nos jours il n’était même plus nécessaire de sortir de chez soi : il suffisait de retirer l’argent que l’on avait en banque. […] Deux ministres sortant la grosse artillerie pour contredire l’opinion en matière de finance… d’un footballeur ? Il fallait vraiment que celui-ci est touché une corde sensible ! (XIV).

Laisser courir le bruit que les banques peuvent créer de l’argent à la demande quand elles en manquent, c’est le bobard le plus utile qui soit du point de vue des banquiers. (XV).

Inspiré par les aphorismes du footballeur, je vais, comme les mouettes, suivre le chalutier Jorion, certains de pouvoir obtenir quelque nourriture. Avec cette analogie et en pensant au sujet d’un livre de Paul Jorion*, je suis certain de ne pas manquer d’oméga 3 ! (* Les pêcheurs de l’île de Houat : anthropologie économique, 1983).

En introduction, une constatation, celle que l’argent est devenu une fin en soi

Mais la redistribution inégale de l’argent au sein de la population en a fait désormais une obsession pour tous. Pour ceux, bien entendu, qui en ont trop peu afin d’assurer leur subsistance ; mais aussi pour ceux qui en ont trop : pour cela, aussi en avoir moins de mains qu’aujourd’hui est devenu un souci obsédant.

L’argent joue dans la crise que nous traversons un rôle central : hypertrophie de la finance a fait que l’économie financière ou économie de l’argent a prie la place de l’économie productive ou économie classique où l’on échangeait des marchandises. (22).

Le rôle joué par les instruments financiers complexes a été déterminant dans la crise, et l’on peut se poser à leur propos des questions telles que celle-ci : « Des contrats comme les credit-default swaps, les fameux CDS, dont on a pensé, en octobre 2008, qui pourrait précipiter l’effondrement du capitalisme tout entier sont-ils encore de l’argent ? » La réponse est non : ce sont des paris, et ceux qui les perdront devront trouver de l’argent pour payer les vainqueurs. (23).

[L’argent est donc une marchandise spécifique qui a permis à l’économie financière de « vaincre » l’économie réelle qui, elle, produit de simples marchandises ne possédant pas d’universalité d’échange. Cette victoire de la finance nous permet de constater que le néolibéralisme fait mieux, entrant en, pour achever le capitalisme, que le communisme ne l’avait réussi en I siècle.

L’ampleur de la victoire est accentué par le fait que économiquement et politiquement, ceux qui ont le pouvoir de décider sont majoritairement des « vieux » et que, démographiquement, les « vieux » deviennent majorité. D’un côté, nous avons des individus dont le patrimoine permet qu’ils soient non-actifs et de l’autre, des non-actifs dont la vie ou la survie dépend d’un niveau de retraite.

Dans les deux cas, c’est la rémunération du capital qui est présente bien avant celle du travail. Et quand la vie ou la survie dépendent d’une marchandise, appelée « argent », face à laquelle les économistes orthodoxes prétendent que l’humain a un comportement rationnel, et que le comportement collectif est égal à la somme des rationalités individuelles…]

: il apparaît à l’examen que le comportement rationnel vis-à-vis de l’argent est soit immoral, soit, dans le meilleur des cas, a-moral. Immoral, parce que le meilleur moyen d’en gagner consiste à enfreindre les règles qui ont été conçues pour contenir l’enthousiasme qui se crée à l’occasion de son acquisition. A-moral, parce que le comportement rationnel vis-à-vis de son acquisition ignore superbement les règles morales qui président pourtant à l’organisation des sociétés humaines. (25).

Ce que j’ai personnellement appris de l’argent.

Quand nous parlons de l’argent en tant que flux, rien ne se crée, rien ne se perd : quand je dépose l’argent à la banque, que celle-ci le prête, qu’il lui revient, augmenté d’intérêts qui lui ont été versés, et qu’une fraction de ces intérêts m’est ristournée, à moi, il ne faut pas qu’un seul centime se soit perdu : s’applique ici ce que j’appellerai tout au long de cet ouvrage un « principe de conservation des quantités ». (26).

On a inventé alors ce qui s’appelle la « comptabilité en partie double », nouveau langage qui présente la particularité que tout ceci équilibre toujours – que le Pacifique y est par définition égale à l’actif –, mais qui enfreint à tout bout de champ le « principe de conservation des quantités » et qui, du coup peut faire croire à celui qui ne maîtrise pas parfaitement ses subtilités que les sommes apparaissent, comme sortie du chapeau d’un magicien pour disparaître ensuite. Malgré les défauts de la langue comptable pour ce qui est de sa compréhension intuitive, elle présente l’avantage infiniment précieux qu’il y ait beaucoup plus difficile de faire disparaître des sommes (de véritable « flux monétaires ») sans que rien ni paresse, […]. (27).

© Canard Enchaîné, 13 mai 2020

Mais ce n’est pas tout : on parle encore de l’argent dans un troisième langage, celui du droit. Le droit s’y intéresse sous l’angle de la propriété privée : il parle de titres et de possession, et se demande si possession vaut titre ; il traite de l’engagement des personnes qui ont et qui transfèrent de l’argent ; il détermine si une reconnaissance de dette est de l’argent ou non, et, si oui, pourquoi. Chacun d’entre nous considère que, s’il dépose une somme sur un compte en banque, il en demeure le propriétaire, et le droit lui explique que non : que cet argent, il l’a donnée à la banque, et qu’il ne lui appartient plus, et que la seule chose qui lui reste de son bel et bon argent, c’est une créance, c’est-à-dire une reconnaissance de dette de la banque envers lui. Paradoxalement, bien des choses qui demeurent obscurs quand on pense à l’argent en termes économiques de flux monétaires ou en termes d’écritures comptables s’éclairent bien davantage quand on les examine d’un point de vue juridique. En fait, cela ne devrait pas surprendre : si l’on évoque l’argent au tribunal, c’est que l’on a affaire à deux parties qui réclament le même comme étant en fait le leur, et pour tirer aux clair ces choses-là, il a fallu inventer le langage le plus lumineux qui soit, où ne subsiste pas la moindre ambiguïté. (28-29).

[Le principe de conservation des quantités me semble être la notion centrale à laquelle il faut revenir pour effacer tous les malentendus. En effet, il semble que tous les moyens de sophistication plus ou moins développée consistent à faire croire qu’il y en a plus que dans la réalité. Et c’est vrai, dans la mesure où celui qui travaille qui est servi en dernier. Pour traiter des questions d’argent, il faudrait arriver à ne pas perdre de vue qu’il s’agit d’une marchandise comme une autre, sauf que, dans le troc, on peut l’échanger contre n’importe quelle autre.].

Je vais arrêter mon billet ici, pour aujourd’hui. (A suivre…)

Let’s hurry fuck !

Larry Finck ?

Détour vers les Futures… Y’a qu’à attendre !

Une émission, sur Arte, nous parle de BlackRock. Des questions, et mes tendances paranoïdes qui font des bulles en surface :

  • Que s’est-il passé en mai 2010 ?
  • Aladdin, Plateforme d’analyse – gestion des risques. Risques pour qui, Mister Ponzi ?  18’000 milliards de $ sous gestion qu’il s’agit de faire croître…
  • Et des danses du ventre de BlackRock et de dirigeants de certaines démocraties… Et même qu’on sait pas que c’est qui qu’a commencé !
  • Et des plateformes qui se battent pour conquérir, non plus des consommateurs, mais des investisseurs?
  • Que se passe-t-il si la « propriété commune  » devient la norme?
  • Et si la prochaine bulle qui va nous éclater au visage, c’était celle des ETF ( Exchange Traded Fund ) ?

Si c’est le cas, je me réunirai devant ma glace pour crier au génie car les experts se succéderont sur les chaînes d’infos,  déclamant que c’était impossible à prévoir.

Plus modestement, je me rappellerai les difficultés qu’avait certainement connues Jorion pour faire paraître Vers la crise du capitalisme américain ?, en 2007.

Je me rappellerai également qu’aucune réforme structurelle n’a vraiment été menée depuis 2008, et qu’une bulle éclate environ tout les 15 ans. Et ce n’est pas le comportement des acteurs de la Bourse, en ce début mai, qui va me faire oublier…

Le front penché peut donner l’air de penser à des individus qui ne regardent que leur nombril !            

Aimé Shaman